Exposition : le monde merveilleux de Béret, le « douanier congolais »

Vendredi 27 Mai 2016 - 21:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Jusqu’au 16 juin 2016, l’Institut Français du Congo à Brazzaville fait honneur au peintre Rd congolais Abangwa Babotchwe, dit Béret qui offre à travers ses oeuvres sa vision des forêts du bassin du Congo.

 

C’est un univers riche en couleurs que propose de voir cette exposition qui devrait séduire de nombreux amateurs de peinture « naïve » à la Henri Rousseau. Il faut dire que Béret se revendique de l’école du peintre français surnommé le « Douanier Rousseau ». Le parallèle entre les deux peintres se fait aisément. Béret trouvera en effet en Rousseau un modèle, une inspiration.

Comme Rouseau, Béret apprend lui-même la peinture et produit de nombreuses toiles le long de son parcours. Nul ne lui a appris à dessiner, à peindre, à mettre de l’ombre et de la lumière, à trouver l’harmonie des couleurs, à créer de la profondeur, à équilibrer ses tableaux. Il ne sait pas ce qui l’a poussé un jour à prendre crayons et pinceaux et à mettre sur le papier ou la toile ce que ses parcours en forêt avaient suscité d’imaginaire, d’enchantement et de frayeur dans son esprit d’enfant. Il a ce que l’on pourrait appeler un sens inné de la peinture.

Né en 1968, d’une fratrie de 10 enfants, dont il est le seul garçon, son statut de seul héritier mâle du clan lui vaut pas mal de liberté et d’attentions. Son grand père, dont il se souvient un peu, est sculpteur de masques et de fétiches, instruments rituels fort importants chez les Bembe. Ce grand-père peint à ses heures, notamment la façade de maisons, avec les couleurs naturelles que la terre et la végétation offrent sur place, mais il n’aura jamais l’occasion d’enseigner cet art à son petit-fils

Les influences de Béret viendront d’autre part, notamment de ses incursions répétées avec son père dans la forêt où ils partaient tous deux cueillir des champignons, chasser et surtout couper le bois nécessaire au travail du père. Monbon Babotchwe, son père, est menuisier et un peu sculpteur, mais ne peint pas. Il fabrique des meubles de bois ou tressés et même des pirogues. Ces moments privilégiés entre père et fils, vont nourrir l’imaginaire de l’enfant qu’est alors Béret, avec des sentiments mêlés de mystère, d’inquiétude et de fascination.

Ainsi, sans faire une incursion aux beaux-arts, après avoir interrompu ses études à l’âge de 17 ans, Béret se lance dans une aventure musicale et artistique qui le conduira dans plusieurs villes du continent. D’abord à Bujumbura où il vit pleinement de sa peinture. La musique ce sera d’abord à Kigali, au Rwanda, au sein de l’orchestre national du Rwanda, Habamara Rungu avant de fonder un petit orchestre sur place, « les Étoiles » (Inye Nyeri).  Puis, en 1990, c’est à Dar es Salam, en Tanzanie, qu’il poursuit son épopée musicale jusqu’à y mettre un terme au bout de quelques années pour retrouver sa passion d’antan : la peinture.

De retour à Bukavu, plusieurs rencontres l’incitent à renouer fidèlement avec la peinture. Cheminant dans les rues de Bukavu ses toiles sous le bras, il est fréquemment abordé par des expatriés qui tombent en arrêt sur ses œuvres et veulent en savoir plus et l’aider. Il reçoit d’importantes commandes. Le responsable du parc de Kahuzi Biega, entre Bukavu et Bunyakiri, se passionne pour son travail et l’emmène souvent au plus profond du parc. C’est un nouveau contact intime avec la forêt et la faune sauvage. L’inspiration omniprésente dans cet environnement, il peindra beaucoup pour le parc et pour cet Allemand amateur éclairé.

Plus tard, à Kinshasa, sous l’ère Mobutu, Béret fait la pluie et le beau temps. L’élite du régime a le goût des belles choses et de la peinture. Béret vend alors beaucoup de toiles, notamment à des Congolais. Un souvenir qu’il se plaît à partager tant cela ne lui arrive plus aujourd’hui. A cette époque, Béret gagne bien sa vie et tout semble facile. Dans son atelier situé sur l’avenue des Huileries, passent tour à tour des collectionneurs de tous genre, particuliers hauts fonctionnaires, ambassadeurs, commerçants, banquiers, etc. Mais l’instabilité du pays et la chute du régime ne sont guère propices à son art. Les ventes s’effondrent très rapidement.

Ces évènements ont façonné sa peinture. Peintre de la nature, Béret est aussi, au sens de ses origines et de ses voyages, un peintre des Grands Lacs. Congo, Burundi, Rwanda, Tanzanie… Béret nous offre la vision d’une Afrique des Grands Lacs qui disparaît peu à peu sous les coups répétés de la déforestation, du braconnage, des guerres ou tout simplement de l’accroissement des peuplements humains dans des zones sauvages. Le peintre donne une lecture des crises et des drames qui secouent cette région depuis tant d’années, et dont la nature, tout autant que les Hommes, paie le prix fort.

A l’Institut Français de Brazzaville, jusqu’au 16 juin, c’est tout le monde merveilleux de Béret qui se dévoile. Un monde marqué par ses influences avec comme point focal la forêt, véritable source d’inspiration. Car, la forêt de Béret nous renvoie à des sentiments universels ancrés au plus profond de nous-mêmes. Inquiétante et protectrice, mystérieuse et familière, immense et intime, la forêt de Béret est notre forêt à tous car nous aurions pu la rêver telle que lui, a su la peindre.

 

Dona Elikia

Notification: 

Non