25e anniversaire du Protocole de Brazzaville : un membre du parti communiste cubain explique le bien-fondé des luttes de libération de l’Afrique australe

Mardi 11 Février 2014 - 19:15

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Venu à Brazzaville pour prendre part à la cérémonie commémorative du protocole d’accord signé sous la houlette du président Denis Sassou N’Guesso, le Cubain Jorge Risquet Valdes a rappelé dans une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville, les faits de la bataille de Cuito Cuanavale qui mit fin à l’Apartheid, sa rencontre avec Nelson Mandela et la signature le 13 décembre 1988 de l’accord de Brazzaville. La célébration de cet anniversaire a été reportée au 11 février pour cause du décès de Nelson Mandela, l’icône de la lutte contre l'Apartheid

Les Dépêches de Brazzaville : Que ressentez-vous après avoir foulé le sol congolais pour venir assister à la commémoration du 25e anniversaire de la signature du Protocole de Brazzaville ?

Jorge Risquet Valdes : Je suis très content de venir fêter cet anniversaire au Congo. J’étais ici lors de la célébration du 49e anniversaire de l’indépendance de ce pays, mais ce voyage revêt une autre connotation. L’année prochaine je vais célébrer le cinquantième anniversaire de mon premier voyage au Congo. Celui-ci remonte à 1965 en compagnie d’une troupe cubaine composée de 260 combattants, suite à la demande formulée par le gouvernement congolais, craignant les attaques de Tshombé, Mobutu et Kasa-vubu. C’était lors de la bataille dénommée Patrice Lumumba, car le Congo soutenait les Lumumbistes. Che-Guevara était passé par le Congo le 1er janvier 1965, et le gouvernement congolais lui avait demandé la présence d’une force militaire cubaine. Il était Lumumbiste. Le Congo abritait le siège du MPLA (Mouvement populaire de la libération de l’Angola), présidé par le président Agostino Neto. Le Congo soutenait la cause de la libération de l’Angola. Nous y sommes restés de 1965 à 1967.

LDB : Dans quelle circonstance avez-vous rencontré Nelson Mandela ?

J.R.V. : Je suis l’un des premiers Cubains à avoir rencontré Nelson Mandela lors de la célébration de l’indépendance de la Namibie. Je faisais partie de la délégation cubaine qui avait effectué le déplacement pour aller participer à la fête. À cette occasion, je me suis entretenu avec Nelson Mandela qui venait à peine d’être libéré. Il avait tenu des propos positifs sur mon pays, affirmant que c’était grâce à Cuba que l’Angola avait obtenu son indépendance.

Le régime de l’Apartheid avait été défait grâce aux troupes de l’Angola, la Namibie et Cuba ensemble. Mon dernier entretien avec Nelson Mandela remonte à 2005 lorsqu’il prit connaissance de mon livre écrit en anglais sur des poèmes révolutionnaires. 

LDB : Pouvez-vous nous parler brièvement de la bataille de Cuito Cuanavale qui mit fin à l’apartheid ?

J.R.V. : En juillet 1987, l’armée angolaise (FAPLA) lança une offensive de grande envergure dans le sud-est de l’Angola contre les forces de Jonas Savimbi. Mais voyant que cette opération se déroulait avec succès, les forces de défense d’Afrique du Sud (SADF), qui contrôlaient les zones les plus méridionales du sud-ouest du pays, intervinrent dans le sud-est. Au début du mois de novembre, les SADF avaient acculé les meilleures unités angolaises dans le village de Cuito Cuanavale et se préparaient à les anéantir. Des sources militaires sud-africaines et diplomatiques occidentales assuraient que la chute de Cuito était imminente. Ce qui serait un coup de massue pour le gouvernement angolais.

Mais le 15 novembre 1987, le président cubain Fidel Castro avait décidé d’envoyer davantage de troupes et d’armes en Angola : ses meilleurs pilotes équipés des meilleurs avions, ses armes anti-aériennes et ses tanks les plus modernes. L’intention de Fidel Castro était non seulement de défendre Cuito, mais de débarrasser une fois pour toutes le sud de l’Angola des SADF. Les avions cubains et 1.500 soldats cubains allèrent prêter main forte aux Angolais, et Cuito ne tomba pas.

Les services de renseignement des États-Unis ont expliqué que les Sud-Africains se retiraient parce qu’ils étaient impressionnés par la rapidité et la puissance de la progression des Cubains, et parce qu’ils considéraient qu’un combat de plus grande envergure aurait comporté de grands risques. L’exploit des Cubains sur le champ de bataille et leur virtuosité à la table des négociations s’avérèrent décisifs pour contraindre l’Afrique du Sud à accepter l’indépendance de la Namibie. Leur défense victorieuse de Cuito Cuanavale fut le prélude d’une campagne qui obligea la SDAF à quitter l’Angola.

LDB : Quel souvenir gardez-vous du Congo ?

J.R.V. : Je garde un bon souvenir du Congo parce que c’est dans l’une des villes de ce pays que l’accord a été signé le 13 décembre 1988 sous la présidence du chef de l’État congolais Denis Sassou N’Guesso, qui a joué un rôle important. J’apprécie la manière dont le président de la République sauvegarde les relations entre Cuba et le Congo.

Yvette Reine Nzaba

Légendes et crédits photo : 

photos 1 et 2 : Jorge Risquet Valdes pendant l'entretien avec Les Dépêches de Brazzaville.