Alignement : Le concept de la file d’attente au Congo

Vendredi 24 Mars 2023 - 11:52

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La théorie de la file d’attente au Congo est un concept anarchique.  Pour être le premier servi, on ne connaît ni Dieu ni maître. Chacun livre bataille et nul ne s’étonne de voir un monde impoli défiler devant soi.

 

 

 

C’est un cas maintes et maintes fois observé au Congo. Là où l’on doit attendre et faire la queue, le combat commence et il n’est jamais gagné d’avance. Pour ne rien arranger, la file d’attente n’a parfois rien d’une ligne droite imaginaire socialement convenue et prend le plus souvent l’allure d’une masse difforme d’individus plus ou moins pressés, plus ou moins patients. Quand bien même on aimerait avoir un profond respect de l’ordre d’arrivée, on ne peut, d’ailleurs, que s’interroger de savoir par quel bout peut-on bien prendre la queue dans cette mêlée où chacun joue des coudes pour être le premier servi.  Dans ce désordre inconfort et souvent bruyant, il en ressort le sentiment de perdre inutilement son temps derrière les sauteurs de file.  Soyons justes et rappelons qu’une file d’attente ordrée relève aussi de la responsabilité d’une entreprise, d’un commerçant ou d’un artisan, voire d’une administration, et qu’elle est sans doute la première étape d’une qualité de service en faveur du client.  Bref, de cela tout le monde s’en fiche.

Si on sera agacé de voir un monde impoli en quelque sorte nous « voler » notre tour, il n’en reste pas moins que la psychologie de l’attente est à géométrie variable.  L’attente en solitaire semblera plus longue que si l’on est deux à devoir patienter, elle semblera également plus longue si elle est inexpliquée plutôt que compréhensible, si sa durée est incertaine plutôt que connue, si elle semble injuste plutôt qu’équitable. Par chance, il arrive parfois qu’un client soucieux de l’ordre endosse courageusement le rôle du policier, rappelant les règles élémentaires d’une éducation bien faite pour pointer du doigt  le  « Chacun son tour » devant les regards des sauteurs de file contrariés d’être ainsi mis à l’index.  Car, c’est un rôle inversé : notre pseudo policier, ayant pris haut la parole pour remettre les sauteurs de file à la juste place qui est la leur, aura bousculé effrontément ce qui semblait être la normalité du combat.  Et les sauteurs de file, pas contents, de faire la tête et devoir faire la queue. Vrai que police et anarchie ne font jamais bon ménage.

 

 

 

 

 

Philippe Édouard

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