Assassinat des experts de l’ONU: le gouvernement ne trouve aucun fait nouveau dans les révélations de RFI et de Reuters

Jeudi 21 Décembre 2017 - 17:55

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L’implication supposée des agents de l’État dans l’assassinat des deux experts onusiens relève, d’après le porte-parole du gouvernement, « d’un fait que rien, ni personne jusqu’à présent n’est encore parvenu à infirmer devant la Cour militaire supérieure de Kananga ». 

Le dernier rapport d’enquête, menée conjointement par Sonia Rolley de RFI et Aaron Ross de Reuters fait état d’une implication supposée des agents de l’État congolais et affiliés dans l’assassinat, en mars 2017, de deux experts de l’ONU dans le Kasaï central. Il était au centre du point de presse tenu  le 21 décembre à Kinshasa par le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga. L’occasion était donnée à l’officiel congolais de recadrer la version émise par les deux enquêteurs tendant à rendre le gouvernement de la RDC responsable, ou complice, de cet ignoble assassinat.

Qualifiant « d’amalgames maladroitement agencées » les conclusions de ce rapport, Lambert Mende s’est étonné que cette « chronique judiciaire  littéralement saucissonnée » puisse aller à contre-courant de la version du Parquet militaire congolais, pourtant partagée par la commission d’enquête mise en place par le secrétaire général de l’ONU. Une version qui accuse les insurgés Kamuina Nsapu d’avoir assassiné ces deux enquêteurs onusiens. Pour le gouvernement, les deux journalistes précités paraissent avoir une tout autre lecture, poussant l’outrecuidance jusqu’à s’adjuger le rôle des juges, faisant ainsi fi de la compétence exclusive de ces derniers à désigner les coupables de crimes et d’infractions. « Aucun État de droit au monde ne peut accepter pareille usurpation de qualité, même sous le prétexte du journalisme d’investigation », a martelé Lambert Mende, avant de souligner qu’il n’y avait aucun fait nouveau dans les révélations de RFI et de Reuters.

Retraçant les faits ayant conduit à l’assassinat de ces experts onusiens - la Suédoise Zaïda Catalan et l’Américain Michael Sharp -, Lambert Mende a indiqué, sur la base des renseignements recueillis au cours des audiences publiques liées au procès en cours à Kananga, qu’ils sont arrivés dans cette ville le 8 mars 2017 avec le projet d’effectuer un déplacement vers la mission catholique de Bunkonde, à 78 km au sud du chef-lieu du Kasaï Central.  Le 10 mars, a-t-il ajouté, ils ont participé à une réunion de la famille régnante de la chefferie Kamuina Nsapu tenue au domicile de Tshibuabua Mbuyi José, un fonctionnaire, inspecteur adjoint à la direction générale de migration (DGM) dans un poste reculé de l’intérieur du Kasaï central. « C’est manifestement cette qualité de fonctionnaire de la DGM qui semble avoir fait bondir les auteurs des prétendues révélations impliquant le gouvernement comme si tous les fonctionnaires congolais étaient des petits saints ne pouvant poser un acte que sur instruction du gouvernement », a fait observer  Lambert Mende. Et de poursuivre que l'intéressé n’était pas à cette réunion en sa qualité de fonctionnaire de la DGM.

« C’est au cours de cette réunion qu’il sera convenu que Betu Tshintela  et Tshibuabua Mbuyi José allaient se charger de l’organisation du déplacement des deux experts de Kananga vers la mission catholique de Bunkonde (…) », a expliqué Lambert Mende, avant d’ajouter que les deux experts onusiens avaient quitté Kananga le 12 mars à l’insu des autorités provinciales. « Ils seraient tombés sur une barrière érigée par un groupe terroriste après le pont sur la rivière Moyo, à l’entrée du village Moyo Musuila » et « emmenés devant les chefs miliciens (…) » qui décideront de leur mise à mort après un bref interrogatoire. « Ce sont les faits que rien ni personne jusqu’à présent n’est encore parvenu à infirmer devant la Cour militaire supérieure de Kananga. RFI et Reuters n’apportent rien de nouveau et se contentent de broder sur l’implication du colonel officier de renseignement cité par le fonctionnaire  de la DGM, Tshibuabua Mbuyi José », a fait savoir le porte-parole du Gouvernement.

L'officiel congolais a noté que « tous les éléments » dont RFI et Reuters ont fait état ont été publiquement évoqués au procès de Kananga qui n’a pas encore jusqu’à ce jour abouti à une sentence. « S’il est donc vrai qu’un agent de l’Etat au moins est impliqué dans ce drame, rien ne permet d’en déduire la complicité ou l’implication du gouvernement de la RDC dans ce crime », a-t-il signifié. Pour Lambert Mende, tout se passe comme si les journalistes Sonia Rolley et Aaron Ross « essayaient de forcer les juges à aller vite en besogne et, pire, à influencer leur intime conviction ».

Tout en s’insurgeant contre la tendance à éluder volontairement certains détails importants liés à cette enquête, l’orateur a fait observer qu’elle n’évoque par exemple pas « l’intérêt de la justice à avoir quelques éclaircissements sur les quatre contacts téléphoniques retracés entre Sonia Rolley et le présumé principal bourreau des deux enquêteurs qui répond au nom de Kabasele Manga, des appels qui sont bien répertoriés dans le relevé que la police scientifique a mis à la disposition des magistrats ». Il a exhorté la journaliste française « à aider la justice en dévoilant par n’importe quel moyen le contenu de ces échanges qu’elle a eus avec ce suspect et dont elle ne parle nulle part dans sa fameuse enquête ». Affaire à suivre.    

Alain Diasso

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