Attaque de Rutshuru par le M23 : nouvelle tension diplomatique entre la RDC et le Rwanda

Mardi 29 Mars 2022 - 17:23

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Selon la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda soutient officieusement le mouvement armé du M23 et ses militaires auraient participé, le 28 mars, à l’attaque du territoire de Rutshuru au Nord-Kivu. Ce que Kigali dément.

Les habitants de Rutshuru et des villages environnants du Nord-Kivu se sont réveillés dans la torpeur, la nuit du 27 au 28 mars, suite aux crépitements des armes lourdes et légères ayant mis ce territoire sens dessus dessous. Il s’est agi d’une énième attaque des rebelles du M23 sur des positions des Forces armées de la RDC (FARDC) à Chanzu et Runyonyi. Les dégâts collatéraux sont énormes d’autant plus que les FARDC ont répliqué, donnant lieu à des affrontements d’une violence inouïe ayant entraîné le déplacement massif de la population des villages de Mukinga, Rubona et Tcheya vers les localités frontalières avec l’Ouganda.  

Cette attaque armée perpétrée par le mouvement M23 aura laissé des traces en provoquant une nouvelle tension diplomatique entre la RDC et le Rwanda. Pour le gouvernement congolais, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’armée rwandaise - dont les accointances avec le M23 tiennent d’un secret de polichinelle -, est derrière cette attaque.

Le gouverneur militaire du Nord-Kivu qui s’exprimait dernièrement devant la presse locale a soutenu que le M23 aurait bénéficié, au cours de cette attaque, du soutien des Forces de défense du Rwanda (RDF). Le lieutenant-général Constant Ndima Kongba est allé plus loin en confirmant la présence des militaires rwandais aux côtés des rebelles du M23. En témoigne l’arrestation, sous les feux de l’action, de deux militaires rwandais bien identifiés comme faisant partie du 65e bataillon et de la 402e brigade des RDF. « Nos soldats ne laisseront aucun centimètre du territoire congolais sous occupation d’une quelconque rébellion », a martelé le gouverneur militaire tout en s’interrogeant sur le sens du partenariat qui lie les deux parties dans le cadre des opérations conjointes engagées pour neutraliser les groupes armés qui écument l’est de la RDC.  

Abondant dans le même sens, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, avait déclaré sur TV5 qu’il était « temps de mettre fin à cette hypocrisie ou cette forme de complicité entre le M23 et le Rwanda ».  Et d’ajouter que l’ambassadeur du Rwanda à Kinshasa était en passe d’être convoqué au ministère congolais des Affaires étrangères pour donner de plus amples explications sur l’attaque de Rusthuru.

Du berger à la bergère…

Qu’à cela ne tienne. Toutes ces allégations avaient du mal à être digérées par le régime de Paul Kagame qui, très vite, est monté au créneau pour les renier en bloc et donner ce qu’il croit être la bonne version. A Kigali, la thèse d’une tentative de manipuler l’opinion de la part de Kinshasa est évoquée. « Les forces rwandaises ne sont absolument pas impliquées dans les combats en RDC », a réagi François Habitegeko, le gouverneur rwandais de la province de l’ouest pour qui il s’agit  des « accusations sans fondement ». A propos de deux militaires arrêtés présumés membres de l’armée rwandaise, le gouvernement rwandais a stigmatisé le fait que leur interrogatoire se soit fait sans l’implication de ses services de renseignement, laissant ainsi planer le doute quant à leur statut réel. Kigali demande même que plusieurs organes vérificateurs soient saisis, faisant allusion aux mécanismes de vérification au niveau bilatéral, mais aussi sous l’égide de la Conférence internationale des Grands Lacs.

A tout prendre, cette énième incursion du M23 à l’est de la RDC aura mis à mal les relations diplomatiques déjà tendues entre Kinshasa et Kigali qui continuent à s’épier et à s’entraccuser sur l’appui apporté de part et d’autre à leurs rebellions respectives. Aussi, l’adhésion de la RDC à la Communauté des États de l’Afrique de l’est est très attendue car elle permettra aux deux Etats d’engager un dialogue franc et de construire une relation de paix durable profitable à l’ensemble de la région  des Grands Lacs.

Alain Diasso

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