Bassin du Congo : la Francophonie mise sur l’innovation verte pour bâtir la résilienceDimanche 19 Octobre 2025 - 19:05 Dans un contexte de crise climatique, de pression sur les ressources naturelles et de chômage massif des jeunes, la Francophonie a relevé un pari audacieux dans le bassin du Congo. Le Projet de déploiement des technologies et innovations environnementales (PDTIE), entre 2021 et 2025, a transformé le Cameroun et la République démocratique du Congo (RDC) en laboratoires d'innovation durable. Un exemple d’intelligence économique francophone qui conjugue souveraineté technologique, développement humain et transition écologique. Un modèle africain d’innovation verte À la fois poumon climatique, réservoir de biodiversité et espace géostratégique, le bassin du Congo fait face à une urgence multiple : déforestation, insécurité alimentaire, déclin des ressources, croissance démographique. Face à ces défis, la réponse du PDTIE a été claire : mobiliser les talents locaux, former massivement, créer des structures de prototypage et soutenir l’innovation écologique à partir des ressources et savoirs locaux. Avec 70 000 jeunes formés (Dont 30 % de femmes), 151 innovations soutenues, deux Fab Labs créés à Yaoundé et Bukavu, une centaine de brevets déposés et 29 entreprises lancées, le projet illustre la capacité des pays africains à innover dans une logique de durabilité et de souveraineté scientifique. Le Cameroun en fer de lance Le Cameroun s’impose comme un pilier stratégique du programme, notamment à travers la Mipromalo, centre de recherche sur les matériaux locaux. Sous la direction de Joseph Pondi, l’institution a déposé huit brevets et dix modèles industriels, une première. « Nous avons décloisonné la recherche, mis en lien chercheurs, étudiants et entrepreneurs pour faire émerger une culture de l’innovation technique et durable », explique-t-il. Le Fab Lab de l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé (ENSPY), quant à lui, a permis la formation de 460 jeunes et la mise au point de picoturbines hydroélectriques en bois, un projet breveté. Il dispose désormais d’un équipement unique en Afrique centrale : une machine CNC cinq axes et une trentaine de logiciels industriels, catalyseurs d’innovations locales. Des femmes comme Tatiane Marina Abo, qui a conçu des panneaux isolants à base de fibres de bananier, ou Milice Jumla, qui transforme les cabosses de cacao en emballages biodégradables, incarnent cette nouvelle génération de créatrices camerounaises engagées. Des innovations au service de la population Le projet s’est structuré autour de six secteurs clés : agriculture, santé, déchets, construction, eau et énergie. L’approche a été double : soutien à la R&D locale et accompagnement à la commercialisation. En RDC, la marque Royal commercialise déjà des produits cosmétiques et pharmaceutiques issus de nanoparticules vertes. Au Cameroun, Clovis Mbarga a mis au point une récolteuse de manioc, et Lynda Tchawa un logiciel d’étude thermique pour les bâtiments écologiques. Des innovations à impact direct : six produits ont déjà reçu une autorisation de mise sur le marché, 74 emplois décents ont été créés, et 29 entreprises sont en activité, notamment dans les domaines de l’agriculture durable et du traitement des déchets. Inclusion et leadership féminin Encore largement sous-représentées dans les carrières scientifiques (22 % au Cameroun, 10 % en RDC), les femmes ont été au cœur du PDTIE. « J’encourage toutes les jeunes femmes à innover. C’est notre avenir, et celui de notre continent », lance Stéphanie-Audrey Djomo, qui développe une alimentation piscicole à base de larves de mouches. Cette dynamique inclusive s’est aussi illustrée par la participation des jeunes dès le collège, comme au Fab Lab de Bukavu, où le programme FabKids initie les enfants de 12 à 15 ans aux technologies de fabrication. Vers une mise à l’échelle régionale Le succès du PDTIE a convaincu l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de lancer un nouveau projet régional, doté de 4,775 millions d’euros, pour financer des dizaines d’acteurs locaux et accompagner plus de 500 femmes et jeunes dans des initiatives environnementales à fort impact dans tout le bassin du Congo. Diplomatie verte et souveraineté scientifique Au-delà du développement local, le PDTIE s’inscrit dans une stratégie géopolitique plus large : renforcer la résilience des pays francophones, structurer des filières d’innovation endogènes, et faire émerger une Francophonie de solutions, face à la domination technologique globale. « L’Afrique ne peut plus se contenter d’importer des solutions. Elle doit en produire, les protéger, les exporter », résume un expert impliqué dans le projet. Le PDTIE a montré qu’il est possible de concilier savoirs autochtones, innovation technologique, inclusion sociale et performance économique, à condition d’investir dans la jeunesse. Dans un monde en transition, le PDTIE confirme que l’Afrique centrale, et le Cameroun en particulier, peuvent jouer un rôle majeur dans la construction d’un avenir durable. En misant sur l’innovation locale, l’OIF dessine une voie diplomatique originale et stratégique : celle d’une Francophonie du développement durable, tournée vers la souveraineté scientifique et la paix économique. Noël Ndong Notification:Non |