Cécile Kyenge, en militante de la cause immigrée

Lundi 10 Mars 2014 - 22:02

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Libérée de ses obligations ministérielles, l’Italo-Congolaise retrouve sa liberté de parole pour l’intégration

« Si c’était à refaire, je le referais de nouveau. » Cécile Kyenge Kashetu, désormais rendue à sa vie de militante depuis que le Premier ministre italien ne l’a pas retenue dans son gouvernement, dresse une sorte de bilan sans amertume. L’ancien ministre de l’Intégration continue de soutenir que son pays doit se donner son propre modèle d’intégration. Les échecs enregistrés dans ce domaine, a-t-elle estimé, sont dus au fait que toutes les approches suivent des modèles étrangers.

Intervenant la semaine dernière à la cérémonie d’ouverture de l’année académique de l’Université des Marches, Cécile Kyenge a estimé que son pays devait se forger son propre modèle « et en être orgueilleux ». Les réalités italiennes, son histoire font obligation à suivre sa manière propre de traiter les étrangers (ceux nés en Italie). C’est la voie pour faire face aux défis du futur dans les domaines de la démographie, du financement des caisses de sécurité sociale et du renouvellement obligatoire des générations.

Quant aux dix mois qu’elle a passés au sein du gouvernement de M. Enrico Letta, l’italo-Congolaise estime qu’ils n’ont pas été inutiles. Ils ont permis d’ouvrir le débat sur des questions jusqu’ici traitées par la seule émotion, et toujours à la veille d’échéances électorales plus ou moins passionnées. Sans amertume, elle soutient que l’expérience qu’elle a vécue n’a rien qui puisse lui être enlevée si, aujourd’hui, un ministère comme celui qu’elle a dirigé devait être ré-institué en Italie.

« Avoir institué ce ministère a constitué la chose la plus positive, même s’il aurait été nécessaire dans le même temps de le doter de plus de moyens pour mieux peser sur le cours des choses », a-t-elle avancé. Le racisme à son endroit ? C’est du passé. « Il est nécessaire d’aller à contre-courant dans un pays où tout le monde hurle. On peut d’ailleurs hurler sans crier », soutient-elle. Dans une interview précédente, elle avait tout de même concédé ne pas avoir su qu’elle devait passer autant de temps à se défendre des attaques et insultes des extrémistes dans les médias.

Rappelons que le gouvernement formé le 22 février dernier par M. Matteo Renzi, nouveau Premier ministre italien, n’a pas retenu la première femme noire d’un gouvernement italien ni même son ministère de l’Intégration. Les milieux associatifs déçus affirment que cela est le signe d’une volonté de ne pas accorder l’importance qu’il faut aux questions migratoires dont l’Italie est pourtant très marquée. La mort de 366 immigrés aux abords du port sicilien de Lampedusa, le 3 octobre dernier, avait été un vrai choc pour toute la péninsule pourtant.

Le pape qui s’était rendu dans l’île quelques semaines auparavant après un précédent drame, y avait dénoncé « une globalisation de l’indifférence ». Cécile Kyenge a notamment bataillé pour que le « droit du sol » soit reconnu aux enfants nés en Italie de parents étrangers pour l’octroi de la nationalité. Il n’est pas sûr que ce combat soit poursuivi avec détermination par la nouvelle équipe gouvernementale, très occupée à juguler les effets du chômage et baisser la pression fiscale dans le pays.

Lucien Mpama