Centrafrique : la persistance des attaques armées et la montée des discours haineux inquiètent les acteurs

Jeudi 7 Juillet 2022 - 14:00

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Les agressions récurrentes contre les organisations humanitaires et les civils attribuées aussi bien aux forces armées centrafricaines soutenues par des paramilitaires russes qu’aux rebelles, et la montée des discours violents dans ce pays en proie à une guerre civile depuis neuf ans, émeuvent les observateurs. Ce climat délétère a déjà forcé certaines organisations non gouvernementales (ONG) à y suspendre leurs activités et donné lieu à des enquêtes sur les exactions décriées.

Les gangs et les groupes armés rebelles tels que  l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), des hommes armés des 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation), tous membres de la Coalition des patriotes pour le changement, ainsi que les forces loyalistes et leurs alliés russes de la société de sécurité Wagner, continuent de commettre des crimes contre les civils, selon les Nations unies. Ils sont tout aussi régulièrement accusés par les ONG internationales de crimes contre de paisibles citoyens et de s’en prendre aux travailleurs humanitaires. De même, l’Union européenne et des pays comme la France notamment accusent les « mercenaires » de Wagner de commettre des crimes et exactions contre la population, et le pouvoir de l’actuel président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, de les laisser piller les ressources du pays en échange de leur soutien militaire.

Devant les multiples attaques de civils et du personnel humanitaire, la cheffe de la mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca), Valentine Rugwabiza, réclame « l’adoption de mesures consensuelles dissuasives » contre les parties qui ne respectent pas leurs engagements en faveur de la paix. « La cessation des hostilités sur toute l’étendue du territoire centrafricain reste à la fois un objectif immédiat et un gage de crédibilité de la Feuille de route conjointe pour la paix en République centrafricaine », soutient l’émissaire de l’ONU.

Evoquant la question des enquêtes sur des exactions et meurtres de civils présumés par les forces gouvernementales et leurs alliés paramilitaires russes de la compagnie privée Wagner, la responsable onusienne promet que « les rapports compilés et finalisés » par la force de maintien de la paix vont faire l’objet d’une publication après consultation avec le gouvernement. Elle s’exprimait récemment devant le Conseil de sécurité.

Une enquête ouverte à Paris pour complicité de crimes de guerre

En France, une autre enquête vient d’être ouverte à Paris pour faire la lumière sur les violences commises sur le sol centrafricain. Cette enquête pour complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre a été lancée après un rapport de The Sentry, une ONG spécialisée dans la traque de l’argent sale, qui accuse une filiale du géant français des boissons Castel d’avoir soutenu financièrement des rebelles en Centrafrique, notamment l’UPC pour sécuriser ses installations. D’autres groupes pourraient aussi être dans le viseur de la justice internationale.

Les accusations de l’ONG The Sentry datent d’août 2021 lorsque l’organisation avait affirmé que Sucaf RCA (Sucrerie africaine de Centrafrique), filiale de la Société d’organisation, de management et de développement des industries alimentaires et agricoles (Somdiaa), elle-même contrôlée à 87% par le groupe Castel, avait « négocié un arrangement sécuritaire » avec l’UPC. L’accord conclu entre les deux parties visait à « sécuriser » « l’usine et les champs de canne à sucre » et « tenter de protéger le monopole de la société » sucrière, indique The Sentry. En échange de la sécurisation du site, la Sucaf RCA a mis en place un « système sophistiqué et informel pour financer les milices armées par des paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme d’entretien des véhicules et de fourniture de carburant », selon l’ONG.

A ce jour, les forces centrafricaines et leurs alliés russes ont certes refoulé les rebelles d’une grande partie des territoires et villes qu’ils contrôlaient, mais ils ne parviennent pas toujours à réinstaller partout et durablement la présence et l’autorité de l’État. De cette impasse ainsi que bien d’autres questions d’ordre politique et sécuritaire, il en résulte des discours outrageux tenus par certaines plateformes politiques. Ces menaces et invectives proférées singulièrement à l’encontre des membres de l’opposition, des militants des droits humains, des journalistes ou encore des partenaires du pays, alarment les acteurs.

 

 

Nestor N'Gampoula

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