Cinéma: "Oloturé", un film de Kenneth Gyang sur la traite nigériane

Mardi 19 Janvier 2021 - 11:50

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Diffusé sur Netflix, ce film raconte comment, en 2013, la journaliste nigériane Toboré Ovuorie s’est mise dans la peau d'une prostituée. Et cela après le décès d’une amie, partie faire  "trottoir" en Europe sous la coupe d’un réseau mafieux.

Oloturé, copie écran de la bande annonce du film sur la traite nigérianePour cette conscientisation par le 7e art, il aura fallu à Tobore Ovuorie, huit mois d'enquête sous couverture, pour qu’elle revienne avec un récit effarant sur les actes de maltraitance, commis à l'encontre des jeunes filles, mais aussi d'orgies organisées par des politiciens locaux et des trafics d'organes pour des crimes rituels.

Son récit, publié en 2014 par le quotidien nigérian Premium Times et le magazine d'investigation néerlandais Zam Chronicles, a inspiré une société de production au Nigeria qui l'a adapté à l'écran.

Pour cette histoire vraie, on voit, dans le film, des filles quitter le Nigeria pour le Bénin, point de départ de leur voyage pour l’Europe, en échange de sommes faramineuses pouvant atteindre 70 000 dollars, sommes qu’elles sont censées rembourser à leur arrivée. Rapidement, le périple se révèle bien plus dangereux que prévu. Le film ne nous épargne rien des violences qui sont infligées à ces jeunes femmes.

A l'écran, Oloturé, héroïne du film éponyme de Netflix, est une journaliste téméraire, qui infiltre un réseau de prostitution et de traite d'êtres humains. Dans la vraie vie, Tobore, dont l'histoire a inspiré cette production nigériane à succès, n'est plus que "l'ombre" d'elle-même.

"Oloturé parle de ces journalistes qui vont si loin dans leur enquête qu'ils finissent par en devenir le sujet", explique à l'AFP le réalisateur du film de Kenneth Gyang. "Mais Oloturé se veut surtout un coup de projecteur sur ces femmes victimes des trafics".

Car la traite de femmes pour l'exploitation sexuelle est un véritable fléau au Nigeria, notamment à Benin City, ville du sud du pays, devenue la plaque-tournante du recrutement des femmes transportées en Europe par des réseaux criminels.

Leur nombre est difficile à estimer, mais rien qu'en Italie, entre 10 000 et 30 000 Nigérianes se prostituent, selon les autorités.

Des dizaines de milliers d'autres n'ont jamais pu traverser la Méditerranée et sont toujours bloquées en Libye ou dans d'autres pays d'Afrique de l'ouest, où leurs passeurs les exploitent, leur faisant toujours miroiter le rêve européen.

A l'écran, le personnage le plus poignant est celui de Linda, une jeune fille peu éduquée, originaire d'un village rural et pauvre, qui se lie d'amitié avec Oloturé. Linda "représente ces femmes, qui pensent que leur vie sera meilleure en Europe, avant de connître la désillusion", affirme Tobore, qui a "croisé beaucoup de femmes comme Linda", au cours de son enquête.

"Pour la plupart de ces femmes, il n'y pas de lumière au bout du tunnel, alors pourquoi terminer sur un happy end ?", se défend le réalisateur.

Dans la vraie vie, Tobore a réussi à s'enfuir à la frontière béninoise, échappant à la surveillance de ses trafiquants, en réussissant à se mêler à travers une foule. Sept ans ont passé ; mais pour Tobore, l'histoire n'a jamais vraiment pris fin. La journaliste tente aujourd'hui de retrouver les femmes avec lesquelles elle devait partir pour l'Europe, afin de pouvoir raconter leur vie à la suite de leur départ.

La lutte contre ces réseaux est devenue le combat de sa vie. Mais cela, au prix d'un lourd tribut. "Quel effet cette enquête a eu sur moi ? Je ne suis plus que l'ombre de moi-même", confie-t-elle, la gorge serrée. "J'essaye de sourire, d'être rayonnante, mais la vérité, c'est que la plupart du temps, je me bats pour me raccrocher à la vie".

Marie Alfred Ngoma avec l'AFP

Légendes et crédits photo : 

Photo : Oloturé, copie écran de la bande annonce du film sur la traite nigériane

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