Commémoration du génocide rwandais : la France déclarée persona non grata

Lundi 7 Avril 2014 - 15:56

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Le Rwanda commémore les vingt ans du génocide de 1994 depuis ce matin à Kigali, dans le stade Amahoro, qui signifie « paix ». La cérémonie a débuté avec le témoignage d’un rescapé, en présence du président Paul Kagamé et du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon

C’est Paul Kagamé et Ban Ki-moon qui ont allumé « la flamme du deuil » au mémorial de Gisozi. Elle brûlera cent jours, la durée des massacres — d’avril à juillet 1994 — qui ont fait près de 800 000 victimes. Plusieurs délégations étrangères et représentants d’organisations internationales assistent à la cérémonie.

Paul Kagame s’en est pris à la Belgique, ancienne puissance de tutelle, et à la France affirmant : « Si les gens qui ont planifié et exécuté le génocide sont Rwandais, les racines historiques sont à l’extérieur de notre pays. »

Compte tenu des accusations directes de Paul Kagamé, la France avait décidé de ne pas se faire représenter aux commémorations par sa garde des Sceaux, Christiane Taubira , mais par son ambassadeur, Michel Fresch. Mais tard hier soir, ce dernier apprenait le retrait de son accréditation par le ministère rwandais des Affaires étrangères.

Dans un entretien paru ce matin dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, Paul Kagamé dénonce la « participation » de la France « dans la préparation politique du génocide et dans son exécution », qui aura fait, selon les estimations des experts, 800 000 morts, d’ethnie tutsi pour la plupart. Il accuse les soldats de l’opération militaro-humanitaire turquoise d’avoir été « complice, certes, mais aussi acteurs ». Des accusations qui ont été démenties et ont hérissé certains hommes politiques français.

Le porte-parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal, a fait état de la surprise de la France quant à ces accusations qui « sont en contradiction avec le processus de dialogue et de réconciliation engagé depuis plusieurs années entre [les] deux pays ». Paris a regretté de ne pas pouvoir prendre part à ces commémorations.

En réaction à cette décision, Alain Juppé, qui était à l’époque ministre des Affaires étrangères, a appelé le président François Hollande « à défendre l’honneur de la France, l’honneur de son armée, l’honneur de ses diplomates » et a qualifié d’« inacceptable » cette mise en cause.

Paris et Kigali se renvoient les accusations

Dans un rapport de la commission d’enquête sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda, paru en août 2008, le juge Jean-Louis Bruguière désignait le Front patriotique rwandais du général Paul Kagame comme responsable de l’attentat du 6 avril 1994, qui avait coûté la vie au président rwandais de l’époque, Juvénal Habyarimana. Paul Kagamé avait nié toute implication, et Kigali avait rompu dès novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris, qui avaient repris en février 2010 avec la visite du président Nicolas Sarkozy. Celui-ci avait reconnu de « graves erreurs d’appréciations et une forme d’aveuglement » de la France et de la communauté internationale.

Entre temps, Kigali est sortie de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), optant pour le Commonwealth.

Pour le président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), Karim Lahidji, « le génocide rwandais est une plaie béante dans notre histoire commune, une folie destructrice dont les survivants sont marqués à jamais. »

La vice-présidente de la FIDH, Sheïla Muwanga Nabachwa, a rappelé : « Le viol comme arme de guerre a été largement utilisé pendant le génocide au Rwanda pour punir les femmes tutsis d’être tutsis. Malheureusement, les corps des femmes sont toujours un champ de bataille, même en Afrique et même vingt ans après ce drame. Nous devons agir pour que cela change ».

Noël Ndong