Elu lors de la présidentielle du 20 mars, le président de la République, Denis Sassou N’Guesso a prêté serment samedi, en présence de plusieurs chefs d’Etat et de délégations des pays amis. A partir de ce jour-là, a commencé son mandat de cinq ans, durant lequel il s’attachera sans doute à mettre en œuvre son projet de société au titre évocateur de « la Marche vers le développement », devenu en fait le programme de son futur gouvernement. Sachant qu’il ne pourrait effectuer une telle marche tout seul, sachant aussi que le développement du Congo suppose la conjugaison des efforts de tous ses bras valides, le programme de DSN est assorti de l’invite mobilisatrice « Allons plus loin ensemble ! »
Pour sa communication de campagne on peut dire que le candidat du Rassemblement de la majorité présidentielle, désormais aux commandes du Congo a plutôt accroché les Congolaises et les Congolais qui ont voté pour lui. Il ne reste pas moins que dans le moment présent Denis Sassou N’Guesso est le président de tous les Congolais, qu’ils aient oui ou non choisi de poser leur empreinte au bas de sa photo sur le bulletin unique de vote qui en comportait neuf au total. Considérant qu’il ne peut pas en être autrement, il a été le seul de ses concurrents à l’élection du 20 mars à parcourir le Congo d’Est en Ouest, du Nord au Sud pour partager sa vision pour demain. La polémique des chiffres est-elle encore à l’ordre du jour du moment que la Cour constitutionnelle y a mis fin en proclamant les résultats définitifs de la compétition ? On suppose que non, car d’autres rendez-vous électoraux sont à venir.
Il reste aussi que pour ce tout nouveau quinquennat, le président de la République ne sera pas moins confronté aux grands défis. Non pas nécessairement ceux que lui posent ou poseront ses adversaires décidés, comme on disait sous le président Pascal Lissouba, à l’empêcher d’appliquer le programme sur la base duquel il était élu. Mais des défis d’ordre structurel, sur lesquels repose la gouvernance publique. Parmi ceux-ci, citons la restauration de l’autorité de l’Etat, chantier sur lequel toute contre-performance a des implications certaines sur tous les autres. La restauration de l’autorité de l’Etat passera assurément par le renforcement de cette vision communément partagée en démocratie de la séparation des pouvoirs.
Les Congolais ont néanmoins l’habitude du double langage. Tant, en effet, que cette autorité de l’Etat est bafouée, ils s’arrachent les cheveux pour en réclamer la renaissance. Et, lorsque cette renaissance passe par la mise en branle des règles du droit afin que la justice statue en toute indépendance sur les entorses à la loi, ils sont les premiers à s’identifier en fonction de leurs lieux de provenance, de leurs villages de naissance, de la langue maternelle de leur terroir. Peut-être expriment-ils de cette façon la part d’injustice dont ferait preuve la justice dans ses délibérations, parce que la justice doit en effet être juste, équitable, comme l’eau potable inodore et sans saveur. Mais, ne devrait-on pas aussi laisser chacun faire son travail et éviter d’avoir chaque fois des aprioris sur le travail des autres ?
Un autre chantier auquel le quinquennat qui vient de débuter devra faire face est celui de la réforme des institutions publiques. Commencée dans la plus grande querelle l’année dernière lors du vote de la nouvelle Constitution, cette réforme est en droit de se poursuivre calmement, scientifiquement même, en ciblant tous les secteurs de la vie nationale dont par exemple celui de l’organisation des partis politiques. On dit de notre système scolaire qu’il est malade, de notre système de santé qu’il est défaillant, de notre administration qu’elle est surannée, on le dit moins de notre classe politique. Tout compte fait, l’on a hérité de la Conférence nationale un pluralisme qui mérite encore d’être construit. Cela pourrait débuter par la définition, ou peut-être l’application sérieuse de la loi sur les partis. Pour que ceux-ci ne continuent pas d’être des îlots de sectarisme, au sein desquels des dirigeants se comportant plus comme des gourous que comme des démocrates en quête de modernité cessent de réduire les débats de développement national à leurs querelles de poste à occuper.
Nous savons que demander aux partis politiques congolais de se réformer, de se tribaliser et s’ethniciser le moins possible c’est toucher là où ceux qui les animent ont très peu d’arguments pour se défendre. Il suffit pourtant que ces éminentes personnalités se rendent compte que ce pays qu’ils chérissent tant dans leurs discours a plus besoin de leur génie de rassembleur que de leur souffle de haine ethnique ; que les compatriotes auxquels ils s’adressent sont des hommes et des femmes qui ont besoin de vivre ensemble et de dépasser l’ancrage tribaliste sous l’empire duquel certains d’entre eux bâtissent leur vision politique et veulent les enfermer.
Pour tout ce que le Congo a fait pour vous, honorables chefs de partis et d’associations, livrez la composition des instances dirigeantes de vos instruments de conquête du pouvoir et montrez que vous recrutez sur les 342 000 km2 qui constituent notre vivier commun. Montrez que vous avez choisi la démocratie.