Coopération RDC - Belgique : le Dr Mukwege a présenté la singulière situation du Kivu au couple royal

Lundi 13 Juin 2022 - 16:40

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La ville de Bukavu a été la dernière étape de la visite officielle en République démocratique du Congo (RDC) du roi Philippe de Belgique et la reine Mathilde. Le couple royal belge est arrivé, le 12 juin, dans le chef-lieu du Sud-Kivu.

La population en lisse a été mobilisée pour accueillir le septième roi des Belges et sa reine, venus spécialement rencontrer leur ami, le Dr Denis Mukwege, directeur de l’Hôpital de Panzi. Le couple royal, accompagné des membres du gouvernement congolais, a été présenté au staff de l’hôpital avant d’effectuer une visite dans les pavillons des victimes des violences sexuelles. La reine Mathilde -qui apporte son soutien important à « l’homme qui répare les femmes »- a rencontré ces femmes victimes, chacune de manière particulière, des violences sexuelles dans cette partie du pays en proie à des conflits et d'autres formes d’insécurité. Elle a exprimé sa compassion aux survivantes et leur a exhorté au courage. Le couple royal a également palpé du doigt les réalités de la Fondation Panzi où le roi a eu un tête-à-tête avec le Dr Denis Mukwege.

 « Je suis très heureux de vous accueillir ici à Panzi après l’honneur que vous m’aviez fait en me recevant au Palais de Laeken, le samedi 5 mars dernier. A l’occasion, vous m’aviez promis de visiter les survivantes des violences sexuelles que nous prenons en charge ici à l’hôpital et à la Fondation Panzi. C’est désormais chose faite et elles me chargent de vous en remercier par ma voix », a dit le Dr Mukwege au couple royal. 

Denis Mukwege a fait remarquer que « de nombreux pays ont une représentation diplomatique et des intérêts économiques en RDC, mais peu comprennent en profondeur ce qu’il s’y passe. Force est de constater que notre histoire commune et la connaissance de la région des Grands Lacs par les Belges créent une relation singulière et unique qui engendre, dans le chef de la Belgique, une responsabilité, elle aussi, particulière et unique ». Il a souligné la singularité de la visite du couple royal belge à Bukavu, dans une région du Kivu meurtrie par quasiment trente ans de conflits aux conséquences humanitaires désastreuses, des millions de morts, de déplacés et de femmes violées.

Cette visite du couple royal, a-t-il dit, témoigne de son « humanisme et empathie avec celles et ceux qui ont le plus souffert, notamment les victimes de la violence sexuelle liée aux conflits et envoie un message très apprécié de solidarité avec les femmes, les survivants et les communautés affectées par la barbarie humaine ».

Rapport Mapping, M23 indexé

Le Prix Nobel de la paix et Prix international roi Baudouin a su trouver des mots justes pour parler de l’état de ces victimes et évoquer le fameux rapport Mapping. « Ces femmes portent au plus profond de leur intimité les stigmates des guerres atroces et d’insupportables souffrances endurées par notre population depuis trois décennies. Les crimes commis dans ce pays ont un nom : ils ont été répertoriés depuis plus de onze ans dans le rapport Mapping des Nations unies comme crimes de guerre, crimes contre l’humanité, voire crimes de génocide. Malgré leur extrême gravité, à ce jour, ils restent cyniquement impunis », a regretté le Dr Denis Mukwege.

Il n’a pas manqué de pointer du doigt le groupe rebelle M23 appuyé par le Rwanda. « C’est bien cette impunité garantie aux auteurs qui nourrit le cycle des violences dans cette région et les multiples agressions dont est victime notre pays. La plus récente, qui se déroule encore sous nos yeux, est celle du groupe M23 dont le soutien du Rwanda est connu de tous depuis des décennies », a -t-il fait savoir.  Il a fustigé l’impunité contre les crimes commis en RDC, source de la répétition des atrocités. Aussi a-t-il rappelé son plaidoyer pour « la mise en œuvre d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle incluant des mécanismes judiciaires et non judiciaires qui sont complémentaires, et tenant compte de la dimension régionale dans les conflits qui ont ravagé le pays et l’implication des pays voisins qui continuent d’agresser et de déstabiliser les provinces de l’est de notre pays pour le piller ».

Le passé colonial

Denis Mukwege a aussi évoqué les récents efforts faits par les autorités belges pour la lumière sur l’impact du colonialisme au Congo, saluant la mise en place d’une commission spéciale chargée d’examiner l’Etat indépendant du Congo et le passé colonial de la Belgique, ses conséquences et les suites qu’il convient d’y réserver. « Ce travail est nécessaire car une relation d’amitié fondée sur le respect mutuel et l’égalité doit être sans tabous ni zones d’ombre et il est important de connaître le passé pour construite le futur…», a-t-il affirmé.

Il a conclu son discours par une demande de prise de conscience internationale sur la tragédie qui se déroule au Kivu. « … Votre présence ici, dans la province du Sud Kivu, où chaque famille a été endeuillée et traumatisée par la guerre et la violence, a vocation à briser le climat d’indifférence dans lequel la tragédie congolaise est trop souvent reléguée. Nous aspirons à ce que votre visite contribue à une prise de conscience par l’opinion publique belge, européenne et internationale, de la gravité de la situation que traverse la population congolaise à l’est du Congo, et la femme particulièrement, depuis des générations, et de l’impératif de briser sans plus tarder la spirale infernale de la violence et de l’impunité. Sauver une femme, c’est sauver toute une nation », a dit le Dr Denis Mukwege.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Le couple royal belge en visite guidée par le Dr Denis Mukwege à l'hôpital de Panzi ainsi qu'à la Fondation du même nom, à Bukavu

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