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Honorable témoin

Samedi 6 Septembre 2025 - 17:28

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Pour les grands médias, et les grands analystes des affaires du monde reçus sur les plateaux de télévision ces jours derniers, les principaux leaders étrangers vus aux côtés du dirigeant chinois, Xi Jinping, durant les deux événements majeurs du début du mois de septembre étaient principalement le Russe Vladimir Poutine, l’Indien Narendra Modi, le Turc Recep Tayyip Erdogan, et le Nord-Coréen Kim Jung Un. Les trois premiers ont multiplié les signes de rapprochement lors de la 25e Conférence de l’Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS), preuve d’un basculement géostratégique que beaucoup assimilent à l’avènement d’un nouvel ordre international.

Après le sommet économique, pour montrer qu’il reste encore des obstacles à surmonter avant que tout aille pour le mieux entre la Chine et tous ses hôtes de marque, le président turc et le Premier ministre indien n’ont pas assisté à la grandiose parade des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour Beijing, le quatre-vingtième anniversaire de la victoire contre l’occupant japonais. En revanche, le président de la Fédération de Russie, ses homologues de la Corée du Nord, de l’Indonésie, du Venezuela, de nombreux pays d’Asie, le Congolais Denis Sassou N’Guesso et le Zimbabwéen Emmerson Mnangagwa étaient à Tien an men, le 3 septembre, jour du défilé militaire.

Dans leurs commentaires, volontairement ou non, les éditorialistes semblent avoir « zappé » une présence pourtant remarquable : celle du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu).  Antonio Guterres n’a pas assisté à la robuste démonstration de la place Tien an men, mais il était bel et bien à Tianjin où se tenait, les 1er et 2 septembre, le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement évoqué plus haut. Si ces assises ont envoyé un signal fort sur l’émergence d’une autre architecture de développement économique dont le reste du monde, en particulier occidental, devra prendre acte, cette mutation se déroule effectivement sous les yeux du premier diplomate onusien.

Comment le chef de l’Onu perçoit-il ces changements ? quel enseignement tire-t-il des déchirements dans lesquels sont plongés les plus puissants membres de son organisation créée il y a 80 ans dans le but de les rapprocher davantage après la calamiteuse guerre mondiale de 1939-1945 ? Le fait même que sa venue en Chine, lors de la Conférence de l’OCS, ait été passée sous silence ne rappelle-t-il pas la crise d’influence que traverse la prestigieuse maison commune onusienne ? Autant de questions qui plaident en faveur d’une renaissance de l’organisation internationale dans son rôle de porteuse du dialogue entre les peuples et les civilisations.

Tout indique, malheureusement, que les blocs qui se forment aujourd’hui se focalisent moins sur les questions de paix et de sécurité collective que sur la volonté d’en découdre. Le réarmement devenant le crayon-feutre des relations internationales, les batailles engagées de commun accord sur les changements climatiques, contre les pandémies, le sort des déplacés de la faim, des violences et des réfugiés de guerres risquent d’être rayées des tablettes des décideurs. En déréglant ainsi les rapports existentiels, le monde court à sa perte tandis que les voix intermédiaires se fracassent contre les murs de l’escalade guerrière.

Témoin de ce remue-ménage épouvantable, Antonio Guterres et son organisation devraient profiter de la moindre occasion qui se présente pour interpeller les dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Angleterre) sur leurs responsabilités. Bien sûr, l’Onu doit aussi écouter la voix de ses autres adhérents, de plus en plus nombreux, qui l’invitent à se réformer pour faire de la place à des participations plus ouvertes et plus larges au sein du cercle trop fermé et trop ancien de la prise des décisions. Sans quoi, pour le malheur de la communauté humaine, sa légitimité déjà critiquée s’érodera inéluctablement.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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