Dette: le Tchad et l'Ethiopie ouvrent le bal de la restructuration

Mardi 23 Février 2021 - 12:30

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En novembre dernier, les pays du G20 ont adopté un cadre commun pour gérer les éventuelles restructurations de dettes des 73 pays les plus pauvres de la planète. Le Tchad et l'Ethiopie sont les deux premiers pays à annoncer leur participation à ce mécanisme. Ils partagent en commun le fait de n'avoir presque pas eu recours aux marchés internationaux des capitaux pour se financer..

Fondées sur une analyse de soutenabilité de la dette réalisée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), les négociations doivent, dans un premier temps, être engagées avec les membres du G20 et tout autre pays créditeur qui souhaite se joindre à l’initiative. Et dans une seconde phase, sous le contrôle du FMI, le pays doit négocier avec l’ensemble de ses autres créditeurs des termes au moins aussi favorables que ceux obtenus auprès des pays du G20.

Le Tchad et sa dépendance au pétrole

C'est dans ce contexte que la République du Tchad est entrée fin janvier dans un programme de supervisions du FMI doté de 560 millions de dollars pour une durée de 4 ans. Ces aides s’ajoutent à celles d’autres multilatéraux portant le montant total à 3,1% du PIB. Cette assistance doit aider le pays à faire face à un besoin de financement extérieur équivalant à 6% du PIB en 2020 et 2021. En effet, du fait d’une dépendance à la ressource pétrolière (37% des recettes publiques, 63% des recettes d’exportations et 7,6% du PIB en 2019), les finances tchadiennes se sont sévèrement détériorées en 2020. Malgré une dette publique qui devrait atteindre seulement 46% du PIB fin 2020, le pays fait face à d’importantes difficultés de financement.

Sa dette publique externe (27% du PIB fin 2019, selon la BM), déjà partiellement restructurée en 2018, continue de peser sur la balance des paiements. La nouvelle chute des prix du pétrole intervenue en 2020 (moyenne de 42 dollars le baril) a dégradé les comptes extérieurs du pays, avec un déficit du compte courant qui devrait atteindre respectivement 13% et 10% du PIB en 2020 et 2021 selon le FMI. Le gouvernement doit également solder des arriérés de paiement domestiques auprès de ses principales banques, ainsi que les recapitaliser, pour renforcer ce secteur fragile de l’économie. L’annonce de ce nouveau soutien du FMI est concomitante à celle faite par le gouvernement que le Tchad serait le premier pays à demander une participation au cadre commun prévu par le G20.

L'Ethiopie, le tourisme et la guerre civile

Peu après, le ministre éthiopien des Finances, Ahmed Shide, annonçait que son pays désirait profiter du cadre du G20 pour restructurer sa dette. La situation de l'Ethiopie est la suivante : un endettement en devises important adossé à des recettes externes faibles et fragilisées par la crise de la Covid et la guerre civile au Tigré - notamment le tourisme. Si le ratio de dette publique externe sur PIB est similaire à celui du Tchad, rapportée aux recettes d’exportation, cette dette est 4,5 fois plus importante en Éthiopie. Autre différence, le pays a émis un eurobond d’une valeur nominale d’un milliard de dollars, dont le cours a brutalement chuté à l’annonce de la participation de l’Éthiopie au cadre commun. Cependant, le ministre des Finances s’est montré ambigu sur l’effort qui serait demandé aux détenteurs de cette obligation, alors que le cadre avancé par le G20 est en théorie clair sur la participation de ces créanciers.

Alors que l'Éthiopie est appelé à rembourser un eurobond d'une valeur nominale d'un milliard de dollars, le Tchad n'a aucun encours sur ce marché. Au fil de l'avancée des négociations, le traitement des créanciers privés devrait s'éclaircir, ouvrant ou non la voie aux pays plus dépendants des marchés internationaux de la dette. La Zambie, qui fait partie de ces pays, pourrait être le prochain sur la liste, incitée par l'échec des négociations avec les détenteurs de ses eurobonds qui l'ont déjà placé en situation de défaut sur l'ensemble de sa dette. Au-delà de la Zambie, de nombreux pays d'Afrique subsaharienne vont scruter le traitement réservé par les marchés et les agences de notation à l'Ethiopie avant de se lancer.

 

Noël Ndong

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