Développement: l’Afrique veut assurer sa souveraineté économique

Lundi 9 Juin 2025 - 11:13

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« L’Afrique ne réclame plus des aides, elle exige une juste rémunération de ses ressources ». Cette formule-choc, lancée à Marrakech, au Maroc, lors du Ibrahim governance weekend 2025, résume un tournant historique : celui d’un continent qui renonce à tendre la main pour enfin poser ses conditions.

Dans le décor symbolique du palais des congrès de Marrakech, décideurs, experts et activistes se sont rassemblés autour d’un mot d’ordre clair : la fin de la dépendance. Alors que l’aide internationale s’essouffle – en recul de 11 % en dix ans – et que les urgences climatiques pressent, l’Afrique doit désormais compter sur ses propres leviers. C’est le plaidoyer ferme de Nathalie Delapalme, directrice exécutive de la Fondation Mo Ibrahim. « L’aide au développement ne représente plus que 10 % du financement du continent. Il est temps de sortir d’un modèle à bout de souffle », a-t-elle lancé.

Du continent assisté au continent stratégique

La trajectoire du continent, longtemps dictée de l’extérieur, change radicalement. « Moins de 1 % du RNB de quarante-deux pays africains provient des coupes annoncées par l’Usaid ». Un chiffre révélateur, selon la directrice exécutive de la Fondation Mo Ibrahim, du décalage entre les discours alarmistes et la réalité financière. Ce que l’Afrique possède est bien plus déterminant : un sous-sol riche en minerais critiques (cobalt, lithium, manganèse), un potentiel en énergies vertes et en agriculture, des millions de jeunes en quête d’emploi et une diaspora mobilisée. Pour Nathalie Delapalme, « l’Afrique est à la croisée des chemins. Elle n’attend plus qu’on lui tende la main. Elle veut fixer les règles du jeu ».

Une géopolitique inversée

Le contexte international accentue cette bascule. Depuis la guerre en Ukraine, l’Europe redécouvre l’importance du gaz africain. Et dans la course à l’économie verte, les ressources africaines deviennent vitales. Le pouvoir de négociation du continent s’accroît. Encore faut-il qu’il en prenne conscience. C’est là que réside l’enjeu fondamental de cette « révolution silencieuse » : dépasser le simple potentiel, en tirer une vraie plus-value locale. La jeunesse africaine, désormais majoritaire, ne se contente plus de promesses. Elle exige que les ressources profitent directement aux territoires : emplois, infrastructures, recettes fiscales. Le développement ne peut plus se faire sans justice sociale ni redistribution équitable.

Intégration, gouvernance et responsabilité

La condition de cette émancipation économique est claire : une meilleure gouvernance. « Il est illusoire d’espérer transformer le modèle sans paix, sécurité, justice et intégration économique », estime Nathalie Delapalme. C’est pourquoi la Fondation Mo Ibrahim insiste chaque année sur la nécessité d’exploiter localement les ressources, d’intégrer les chaînes de valeur, et de réduire les pertes fiscales massives liées à l’évasion ou aux contrats défavorables. Le Maroc, hôte de cette édition, incarne cette dynamique. Passé en une décennie de la 13ᵉ à la 8ᵉ place continentale dans l’indice de gouvernance Ibrahim, il symbolise une Afrique qui avance, malgré les défis.

Un tournant plus qu’un slogan

Exiger une juste rémunération de ses ressources, ce n’est pas de l’arrogance. C’est de la justice. L’Afrique, riche de ses terres, de ses talents et de sa jeunesse, ne cherche plus à quémander des aides, mais à capitaliser sur ses actifs. Ce changement de posture pourrait bien annoncer le début d’un nouveau cycle historique : celui de la souveraineté économique assumée.

Noël Ndong

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