Entretien : Agrippine Nyiranzabonimana : « Ma vision est de faire sortir le peuple autochtone de l'analphabétisme »

Jeudi 8 Avril 2021 - 20:38

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Observer-Réfléchir-Agir telles sont les spécificités de la méthode ORA introduite au Congo en 2007 dans le département de la Likouala.  Spécialement conçu pour les enfants de forêt, elle est adaptée à leur vie quotidienne. Agrippine Nyiranzabonimana, 65 ans, mariée, d’origine rwandaise et réfugiée en République du Congo depuis 1997, enseigne les enfants autochtones via cette méthode.  Un apprentissage qui rencontre un joli succès dans cette communauté. Agrippine nous en dit un peu plus.  

Les Dépêches du Bassin du Congo : Depuis quand enseignez-vous avec la méthode d’ORA ?

Agrippine Nyiranzabonimana : Depuis 2007, l’année ou la méthode d’ORA a été introduite dans le département de la Likouala. 

LDBC : Pourquoi cette méthode et pas une autre ?

A.N : C'est une méthode spécialement conçue pour les enfants de forêt, elle est adaptée à leur vie quotidienne. Elle part du connu des enfants vers l'inconnu. La méthode ORA s'inscrit dans la tradition éducatrice en Forêt dans laquelle les parents suivent cette triple approche pendant l'apprentissage du comment vivre en forêt à leurs enfants. Par exemple au niveau de la chasse, le parent et l'enfant observent les traces ou écoutent les cris des animaux, ensuite le parent explique et l'enfant réfléchit et puis le parent invite l'enfant à faire lui-même ce qu'il vient d'apprendre, il lui apprend donc à agir.        

LDBC : Est-ce plus avantageux pour ces enfants d’apprendre dans ces méthodes ?

A.N : Oui, vu que l’enfant participe à sa propre formation, il apprend d'abord dans sa langue maternelle pour une rapide et meilleure compréhension. Il est intéressé parce que son apprentissage part de son vécu.

LDBC : Et quelles ont été les difficultés, les obstacles auxquels vous avez été confrontée ?

A.N : Les difficultés rencontrées et que nous rencontrons encore sont nombreuses, tels que les déplacements saisonniers des parents à la recherche de la nourriture, et certains événements culturels tels que le deuil entraînent des irrégularités à l'école. Leur mode d'habitat précaire cause des absences à l'école, (s'il a plu les cases suintent le soir et l’enfant veille). Le manque de manuels scolaires pour les élèves est aussi un problème.

LDBC : Quelle est votre vision en tant que leader et quels moyens déployez-vous pour vous assurer que les autres partagent bien cette vision ? 

A.N : Ma vision est de faire sortir le peuple autochtone de l'analphabétisme qui freine et empêche leur développement. Pour faire partager ma vision, je fais des entretiens avec les animateurs, les parents, les leaders communautaires autochtones, les directeurs des écoles primaires accueillant les enfants autochtones après les deux ou trois années préparatoires de l'école ORA, la sensibilisation des jeunes déscolarisés pour intégrer le centre de rescolarisation et les parents pour qu'ils envoient leurs enfants à l'école.

LDBC : Est-ce que la jeune fille autochtone arrive à s’émanciper pleinement lorsqu’elle fait des études ?

A.N : Jusqu'à présent aucune d'elles n'a terminé le lycée dans la zone d’Impfondo, il y a très peu d'engouement de l'école à cause de la pauvreté, elles font des mariages précoces et quittent l'école sans même obtenir le CEP.

LDBC : Comment poussez ces femmes autochtones à briser le silence quand elles sont victimes de violence même au sein de leur ménage ?

A.N : Pour qu'elles puissent briser le silence, il faut une sensibilisation continue sur leurs droits par des séances communautaires, malheureusement nous n’en faisons pas régulièrement.

Propos recueillis par Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Agrippine Nyiranzabonimana

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