Interview. Antoine Yvernault : « Il n’y a aucune raison pour que les cinéastes congolais ne fassent pas parler d’eux »

Jeudi 3 Juillet 2014 - 19:00

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En un peu moins de deux semaines, Kinshasa a abrité deux importants rendez-vous dédié au 7e art, à savoir le festival du Cinéma au féminin (Cinef) et le Festival international du cinéma de Kinshasa (Fickin). Les deux organisations, initiatives respectives de jeunes cinéastes de l’Association des femmes cinéastes congolaises et de Bimpa Production, ont bénéficié du soutien de la Coopération française. le chargé de l’audiovisuel de l’ambassade de France, Antoine Yvernault, s'est exprimé aux Dépêches de Brazzaville à propos de ce regain constaté dans le domaine du cinéma caractérisé par la volonté de jeunes cinéastes à manifester leur savoir-faire .

Antoine Yvernault lors de la clôture de la première édition du Fickin à l’échangeur de KinshasaLes Dépêches de Brazzaville  : Cette tenue successive de festivals de cinéma procède-t-elle de l’énergie des cinéastes déterminés à sortir de l’anonymat ou de la volonté de la Coopération française à promouvoir le secteur ?

Antoine Yvernault  : Quand je suis arrivé en RDC, j’ai commencé à prendre des contacts avec des cinéastes et différents acteurs dans le domaine culturel. Je me suis alors aperçu qu’il y avait des jeunes réalisateurs, quelques fois des moins jeunes, qui avaient tous de l’énergie et des idées mais qui manquaient des connexions pour essayer de faire aboutir leurs projets et des moyens financiers ou matériels. Ainsi dans mon travail de coopération audiovisuel, j’ai décidé d’aller vers l’ensemble de ces cinéastes et opérateurs pour qu’ils aillent plus loin dans leur travail. C’est donc la conjonction des deux. 

D’une part la Coopération française a envie d’aider le développement du cinéma parce que la France y est très attachée. Il ne faut pas oublier que c’est en France que le cinéma a été créé à la fin du XIXe siècle. Et la deuxième chose c’est qu’en plus de mon travail de repérage des différentes personnes au niveau du cinéma et des acteurs culturels, j’ai eu effectivement envie d’aider des projets parce qu’ils étaient aboutis, ils avaient déjà été écrits. Sur lesquels il y avait des personnalités qui avaient beaucoup d’idées et vraiment des envies très fortes de faire parvenir leur projet à leur fin. C’est un travail de longue haleine qui ne se fait pas en deux mois. J’ai commencé ce travail en septembre 2012 et arrivé au 30 juin 2014, il a fallu pratiquement vingt mois pour arriver à centrer un bon nombre de travail, rassembler les énergies pour proposer quelquefois des subventions pour faire des films et pour aller plus loin, leur donner des idées de se réunir, de mettre en perspective le travail du cinéaste en RDC. Je crois qu’il y a vraiment un grand besoin d’un marché audiovisuel plus important. Mais qui dit marché audiovisuel dit production et aussi un minimum de moyens humains et financiers.

LDB : Pensez-vous que le cinéma a de l’avenir en RDC ?

AY  : L’on est en marche. Entre guillemets, je dirais que la RDC et tous ces jeunes créateurs sont en marche pour ouvrir une nouvelle page de l’histoire culturelle du pays. Oui, le cinéma a vraiment de l’avenir comme nous l’avons vu dans beaucoup de pays africains si l’on rentre par exemple en 1990 à Lagos au Nigéria, soit les gens regardaient la télé chez eux, soit ils regardaient la vidéo avec des cassettes VHS, soit ils apportaient des films venus des pays anglo-saxons comme les États-Unis ou la Grande Bretagne. Personne ne s’imaginait qu’il y aurait une industrie de cinéma puissante au Nigéria. Pourtant, en vingt ans, Nollywood a été créé. Et en nombre de productions de films, que ce soit au niveau des moyens, courts et longs métrages, Nollywood est maintenant la première plaque tournante du monde où il y a le plus de productions de films. Mais que l’on aime ou pas ce genre de films, là c’est un tout autre débat.  En tout cas, Nollywood est devenue la première terre où l’on fait le plus grand nombre de films par an, c’est un succès.

Donc dans tous les pays africains, il y a de la place pour faire du cinéma. Suivant le nombre d’habitants, il n’y a pas la même puissance de marché. Moi j’ai assisté à la naissance de Riverwood au Kenya. Je peux vous dire que maintenant il y a aussi un vrai marché du cinéma là-bas basé très localement et ne se contente pas simplement d’importer des films qui viennent de l’étranger. En Afrique du Sud, effectivement l’industrie y est plus ancienne mais prenons le cas du Maroc, de la Tunisie et du Sénégal aussi où il ya eu un bon développement. Et donc dans le cas de la RDC, vu la taille du pays, le nombre d’habitants et de gens qui portent des projets culturels, il n’y a aucune raison pour que les cinéastes congolais ne fassent pas parler d’eux. Et d’ailleurs ils ont déjà commencé à faire parler d’eux, puisqu’il y a eu des longs métrages comme Viva Riva ! dont on a beaucoup parlé. Des documentaires à l’instar de ceux de Dieudonné Hamadi, notamment Atalaku et Examens d’État qui ont commencé à faire le tour du monde. Je crois qu’à la suite il va y avoir encore d’autres cinéastes qui vont vraiment marquer les esprits et faire plaisir à tous les Congolais ou les gens qui ont envie de voir du cinéma congolais.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Antoine Yvernault lors de la clôture de la première édition du Fickin à l’échangeur de Kinshasa