Interview. Bernard Diayele :" Le gouvernement congolais tient à son projet de Grand Inga"

Mardi 25 Février 2014 - 18:54

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Dans un entretien le 25 février avec Les Dépêches de Brazzaville, le coordonnateur de la Cellule de gestion d’Inga 3, l’ingénieur Bernard Diayele, réaffirme l’engagement de la RDC, de se doter de cet ouvrage qui soutiendra un boom économique du pays.

Les dépêches de Brazzaville : Monsieur le coordonnateur, les ONG américaines ont relevé que le projet Inga 3 a des impacts sociaux et environnementaux négatifs. Le gouvernement congolais est-il prêt à construire le Grand Inga maintenant ?

Bernard Diayele : Les déclarations de ces ONG américaines les engagent, et elles ont le droit de s’adresser à leur congrès pur qu’un projet ou un  autre se réalise dans le monde ou pas. Mais n’oubliez pas que la RDC est un pays souverain. Son Excellence le président de la République, Joseph Kabila, a décidé de construire souverainement le Grand Inga, en commençant par la centrale hydroélectrique Inga 3 basse chute. Il revient au gouvernement de tenir à sa décision. Je sais que cette décision reste. Nous allons donc construire le barrage Grand Inga avec les partenaires qui seront disponibles.

LDB : On vous reproche de n’avoir pas suffisamment fourni d’éléments d’études de faisabilité. Que justifie cette carence ?

BD : Le rapport final des études de faisabilité a été publié et présenté le 212 et le 22 septembre 2013. Je vous rappelle qu’au mois de décembre, une haute délégation américaine conduite par le président de l’Usaid est arrivé à Kinshasa. Accompagnée par le Premier ministre Matata Ponyo, cette délégation s’est rendue à Inga pour se rendre compte de tout ce qui se raconte sur le projet Inga. Il y a également d’autres organismes américains qui se rendent sur Inga, trois ou quatre fois par an, en vue de relever les impacts de ce projet. Aucun impact négatif n’a été relevé sur le plan environnemental et social. Il y a d’ailleurs une abondante documentation sur ce sujet. C’est seulement quand on va construire la centrale Inga 3 haute chute, quand il y aura une retenue d’eau sur le fleuve que le niveau d’eau va augmenter et il y aura une partie de Luozi, qui sera un peu noyée à deux ou trois pour cent. Cette petite inondation se verra le long de la rivière Mpioka. Cela entraînera un petit déplacement de la population. On a dénombré près de cinq mille habitants.

LDB : vous semblez minimiser les faits par rapport à cet impact. Mais quelles sont les dispositions qui sont prises par rapport au déplacement de ces populations ?

BD : Le projet Inga 3 haute chute ne se fera pas dans deux ou trois ans. On commence par le projet Inga 3 basse chute qui, selon le planning du gouvernement, doit commencer en octobre 2015 et s’achever au plus tard en 2020. Nous avons sept ans pour la fin de cette étape du projet. C'est quand on verra le rendement de cette partie qu’on pourra passer à Inga 3 haute chute. Parler de ce déplacement des populations maintenant, c’est un peu précipiter les choses.

LDB : Sur les 4800 MW à produire, l’Afrique du Sud a souscrit pour 2500 MW et le Nigéria vient pour souscrire pour plus de 3000 MW. Que réservez-vous pour la population ?

BD : On n’a pas oublié la RDC dans la répartition de l’énergie qui sera produite à Inga. Vous savez qu’un projet de construction de centrale hydroélectrique n’est rentable ou viable que quand on s’assure sur la consommation. Il faudra donc s’assurer qu’il y a un acheteur viable de l’énergie produite, sinon on risque de produire de l’énergie et manquer d’acheteur crédible. C’est le cas que connaît la Snél maintenant, avec le faible recouvrement de ses factures.

C’est pour cette assurance qu’on a commencé d’abord à négocier avec les Sud-Africains, avec un protocole qui a été signé à Lubumbashi, qui a abouti à un traité de coopération sur grand Inga. Sur le 4800 MW, si on concède 2500 à l’Afrique du Sud, il nous reste 2300 MW. À part la République sud-africaine, il y a également la chambre minière du Katanga qui a souscrit pour une consommation de 1300 MW. Il y aura 1000 MW qui seront réservés pour la Snél en vue de desservir le Bas-Congo et une partie de Kinshasa. Pour le moment, Snél à Inga ne produit que 800 à 900 MW, avec toutes les machines qui sont installées. Si l’on ajoute les 1000 MW d’Inga 3 et si l’on arrive à réparer les machines d’Inga 1 et 2, on va arriver dans les 2800 MW pour Kinshasa, le Bas-Congo et le Katanga. Donc, on n’a pas oublié la population de la RDC dans la construction d’Inga 3, pas du tout.

LDB : On reproche à la RDC de n’avoir pas été capable de gérer Inga 1 et 2. Pouvez-vous nous rassurer que la gestion d’Inga 3 sera un succès ?

BD : Dans la structuration du projet, il est prévu un partenariat public-privé. L’État devra donner une concession à un  privé ou un groupement de privés en vue de gérer Inga 3. Dans ce projet, il est prévu le contrat de construction, le contrat de maintenance de l’outil de production, etc. Avec la gestion des privés, je ne pense pas qu’on va connaître le cas malheureux de gestion comme celui d’Inga 1 et Inga 2.

LDB : Quelle est la base juridique qui soutient ce partenariat public-privé ?

BD : La loi de la libéralisation du secteur de l’énergie qui est sur la table du président de la République pour promulgation ouvre ce secteur à la concurrence et casse le monopole de fait réservé à la Snél. Elle garantit également ce partenariat public-privé. Donc, on pourra, par l’apport des privés dans le secteur, mettre fin au délestage que l’on connaît actuellement.

LDB ; Monsieur le coordonnateur, vous évoquez les études de faisabilité qui ont été rendues publiques. Pouvez-vous nous rassurer sur la fiabilité de ces études ?

BD : Ces études ont été réalisées par un groupement de bureaux d’études de renommée internationale et de haute facture. Les rapports de ces bureaux d’études seront également examinés par un panel d’experts mondial pour rassurer davantage. Mais on n’a pas encore des réclamations, depuis qu’on a présenté les résultats de ces études.

LDB : Quelles sont les dispositions prises par la RDC pour continuer avec ce projet, du moment où l’on sait que les États-Unis se sont désistés ?

BD : On a commencé ce projet avec des bailleurs tels que la Banque africaine de développement, la Banque mondiale, la Banque d’investissement européen, etc. Il faut aussi compter la volonté du gouvernement congolais, qui compte mettre un montant de plus ou moins 3 millions de dollars américains, pour assister le démarrage de ce projet. Comme l’étude est terminée, les partenaires se réunissent pour le démarrage effectif du projet.

LDB : Quel est l’intérêt de la population locale dans ce projet ?

BD : La population locale peut se tranquilliser. Rien qu’avec les 1000 MW, tout le monde va se retrouver. Comme cette énergie sera la moins chère du monde, tout le monde saura s’acquitter de sa facture de consommation. Du point de vue économique, avec projet d’Inga 3 basse chute, ce sera la création de près de sept mille emplois directs et plusieurs autres milliers d’emplois indirects, alors que la construction de toutes les phases du projet qui pourront prendre plus de vingt ans, ce sera des emplois qui seront créés. La construction d’Inga sera un boom économique pour le pays.

LDB : Quel est le coût global de ce projet ?

BD : Le coût de construction de ce barrage est de plus ou moins 8,6 milliards. S’il faut tenir compte de tous les intérêts, ce coût sera de 12 milliards de dollars.

 

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Le coordonnateur de la Cellule de gestion Inga 3, Bernard Diayele