Interview. Catherine Berouard Kivouvou : « Le lari est officiellement la troisième langue véhiculaire au Congo »

Jeudi 8 Août 2019 - 21:45

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Catherine Berouard Kivouvou est une femme française qui a soutenu une thèse sur la lexicographie lexicologie africaine le Lari de Congo Brazzaville. Docteur en langues spécialisées, elle évoque dans cet entretien qu’elle a accordé aux Dépêches du Bassin du Congo les raisons d’avoir choisi cette langue pour laquelle elle envisage faire un dictionnaire lari-françai, français-lari. 

Les Dépêches du Bassin du Congo : Pourquoi avoir soutenu une thèse en lari, un dialecte tiré du kongo ?

Catherine Renouard Kivouvou : Si j’ai soutenu une thèse sur la langue lari c’est parce que le lari est officiellement la troisième langue véhiculaire au Congo. Cette langue qui a un million de locuteurs sur quatre. Mais il y a très peu d’étude sur son vocabulaire. Il y a une thèse de doctorat faite par André Jaco mais elle parlait de la morphologie et de la phonétique lari. Nullement du vocabulaire. Moi, j’ai donc travaillé sur ce qu’il n’avait pas fait : le vocabulaire lari, c’est-à-dire l’étude des mots, de leur utilisation et des familles de mots.

L.D.B .C : Au fond, quel est l’enjeu ?

C. R. K : L’enjeu, c’est de passer de l’oral à l’écrit, c’est-à-dire d’écrire les règles de fonctionnement grammatical et d’expliquer aussi l’origine des mots : pourquoi leur utilisation comme ça, pas autrement ? Pourquoi les Laris parlent-ils comme ça?

L.D.B.C : Avez-vous des bases en lari en soutenant une telle thèse ?

C.R.K : Au départ, je n’avais pas de bases mais au fur et à mesure, je les ai acquises en étudiant la seule grammaire qui existe, mais faite par un non professionnel. Puisqu’elle a été faite par un père de la communauté des pères du Saint-Esprit qui est le père Chobe. C’est là-dessus que je me suis basée en premier et sur le lexique d’André Jaco qui, lui, a fait la thèse de morphologie et de phonologie sur le lari. Vous comprenez que c’est une langue suffisamment parlée pour qu’on s’y intéresse sérieusement et de façon scientifique. Et il y a des bases de travail pour le faire dans les archives des pères du Saint-Esprit. On a retrouvé des brouillons des dictionnaires mais qui n’ont jamais été terminés. On a donc une matière tout à fait sérieuse pour faire non seulement une thèse mais aussi un dictionnaire lari-français, français-lari une grammaire.

L.D.B.C : La langue pour laquelle vous entreprenez toute cette entreprise est une langue tirée de la langue-mère qu’est le kongo. C’est une séparation du lari d’avec le kongo que vous aviez voulu faire?

C.R.K : Effectivement, le lari fait partie des langues bantoues à base kikongo; de la catégorie H faite par Malcom Lutry. Mais ce qui est intéressant, c’est que le lari est en train de se séparer de sa mère la langue kongo et commence à vivre sa vie de langue vivante. Puisque des décisions ont été prises notamment dans la création de la Bible 2007, il y a des créations grammaticales qui ont été faites au niveau des verbes, des simplifications qui montrent que le lari veut être une langue moderne, une langue de son temps, c’est-à-dire de notre siècle, le vingt-et-unième et qui cherche des solutions pour être accessible à un plus grand nombre de locuteurs. Il est important de savoir comment ça se passe, quelle est la solution que cette langue a trouvée pour se simplifier afin de devenir très accessible.

L.D.B.C : Vous vous arrêtez là ou il y a une suite à donner à cette entreprise ?

C.R.K : Mon premier projet, c’est de faire le dictionnaire lari-français qui est déjà amorcé. Puisque j’avais présenté dans ma thèse la lettre B. C’était en avant gout de ce qui allait suivre. Je fais exprès de ne pas tout présenter parce que certaines lettres présentaient certains problèmes orthographiques que je dois résoudre ou des problèmes de phonétique. Car, dans le lari autant l’écriture grammaticale tend vers une région kikongo, autant la prononciation phonétique tend plutôt vers une région d’appliquée. Il y a quelques sons batékés qui ont été introduits en lari qu’on ne retrouve pas absolument en kikongo. On se rend compte que le lari parlé est très différent du lari écrit qui, lui, ressemble plus au kikongo ancien.   

L.D.B.C : Pour terminer…

C.R.K : J’espère pouvoir faire finalement non seulement un dictionnaire mais également une grammaire et puis divulguer les travaux pour que d’autres puissent travailler aussi. J’aimerai ajouter que cette thèse est disponible sur www.these.fr.  

A Ferdinand Milou

Légendes et crédits photo : 

Catherine Renouard Kivouvou

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