Interview. Clémentine Faïk-Nzuji : « Nous revendiquons nos cultures sans soi-même faire quelque chose pour les promouvoir »

Mardi 22 Juin 2021 - 16:13

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Méconnue de la jeunesse actuelle, célébrité à l’époque du Zaïre pour ses écrits, plus connue comme écrivaine et poétesse à l’époque, aujourd’hui professeure brillante, elle milite pour la culture. A travers cette interview exclusive avec Le Courrier de Kinshasa le docteur se dévoile tant soit peu et raconte l’essentiel à retenir qui devrait permettre à la génération actuelle de commencer à la découvrir et s’intéresser à mieux connaître cette icône qui leur est si mal connue.

Clémentine Faïk-Nzuji interviewée par Le Courrier de Kinshasa (Adiac)

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : D’une génération comme figée dans le temps, figure marquante, vous êtes méconnue de plusieurs personnes. Pourriez-vous nous aider à vous ramener à l’univers congolais actuel  ?

 

Clémentine Faïk-Nzuji (C. F-N.)  : Vous avez raison. Ici on me connaît parce que j’ai écrit quand j’étais très jeune. Mais, très jeune aussi, j’ai commencé à m’intéresser aux cultures traditionnelles, c’est-à-dire de nos ascendants, leurs manières de vivre. Le legs que nous avons reçu d’eux qui nous informent sur leurs manières de vivre et d’habiter le monde. Très jeune, j’ai commencé à m’y intéresser, à poser des questions aux amis des parents, des gens qui venaient à la maison. Et plus tard, à l’université, j’ai embrassé des études de philologie, anthropologie, tout ce qui conduit aux connaissances qui m’intéressaient. Plus tard, j’ai fait une licence, puis un doctorat. Je suis docteur d’État ès Lettres et sciences humaines (Études africaines) de l’Université de Paris 3-Sorbonne nouvelle.

 

L.C.K. : Qu’est-ce qui fait défaut pour apprendre au Congolais à connaître sa culture ?

C. F-N. : Nous revendiquons nos cultures sans soi-même faire quelque chose pour la promouvoir. Il existe beaucoup d’anecdotes culturelles mais pas une étude suivie. Une étude soutenue avec une méthodologie qui permet de tirer des théories valables sur le plan scientifique et sur le même objet dans d’autres cultures, je n’en vois pas tout simplement. Je crois que fondamentalement nous avons le besoin de revendiquer notre culture mais nous ne savons pas décrire cette culture dont nous avons besoin. L’on décrit souvent des réalités qui se vivent de manière visible, l’exemple de la dot, mariage, autres fêtes ou activités diverses que l’on brandit comme notre authenticité. Mais ce n’est pas souvent vrai. L’on prend ce qui est facile dans nos cultures et le présente comme si c’était cela la culture, des réalités familiales, des cas individuels comme si c’était une spécificité africaine. Je souhaite une étude de nos langues et de nos cultures comme un Français étudierait la culture française, un Belge, la culture wallonne ou flamande. Une étude de niveau scientifique qui pourrait demeurer et être compris partout. Je suis pour le panafricanisme, j’étudie la culture des autres aussi et pas seulement la mienne. Ce qui va nous permettre de trouver des éléments communs pour former un panafricanisme réel, culturel. Pour le moment, nous avons plus le panafricanisme politique.  

L.C.K. : Selon vous, comment mettre à la portée du Congolais sa culture, lui permettre de s’en imprégner plus facilement ? Si le Congo m’était conté de Clémentine Faïk-Nzuji

C. F-N. : Ce serait le mettre dans les écoles. Le combat que je mène depuis des siècles. C’est le chapeau. C’est une question qu’aucun Belge ne se poserait : De quelle manière s’y prendre pour que nos enfants s’intéressent à la culture ? C’est une évidence, la chose se fait, c’est tout. C’est mettre tout ce qu’il faut dans les manuels scolaires. Les enfants doivent apprendre à l’école, pas à la maison. L’école poursuit ce que les parents commencent mais c’est une évidence que le chemin qui va à la forêt commence sur le pas de votre porte.  

L.C.K. : Votre plume littéraire est-elle toujours active  ? Continuez-vous à écrire ?

C. F-N. : Je continue. J’ai sorti un livre sur le récit de ma vie, mon enfance. Une de mes petites filles m’avait demandé : Kaku raconte-nous ton enfance. J’ai un jour décidé de la raconter en l’écrivant. J’ai commencé à la naissance et je me suis arrêtée à l’adolescence.

L.C.K. : Quel en est le titre ?

C. F-N. : Il ne faut jamais demander le titre à un auteur parce que c’est l’éditeur qui le donne en fonction de ses lecteurs. Je le laisse faire. Il est paru sous le titre Si le Congo m’était conté. C’est par rapport aux enfants belges car il a pensé que c’est une histoire à nous tous. L’on n’a jamais vu une grand-mère qui écrit son enfance coloniale. Il a pensé que les enfants des coloniaux seraient intéressés, c’est pour cela qu’il a a choisi ce titre. Si le Congo m’était conté parce que les enfants occidentaux ne connaissent que le Congo raconté par les occidentaux. C’est mon ouvrage le plus récent. Mais j’ai aussi écrit en ciluba, le livre précédent. Ùbàlondèlà, qui signifie Tu le leur diras. J’ai écrit un récit de la vie de mes parents en français en pensant à ma mère qui disait : « Tu le leur diras à tes petits-enfants », alors j’ai gardé le même titre en ciluba.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Clémentine Faïk-Nzuji interviewée par Le Courrier de Kinshasa (Adiac) Photo 2 : "Si le Congo m’était conté" de Clémentine Faïk-Nzuji

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