Interview. Gaétan-Victor Oborabassi : « L'officier de police judiciaire a un rôle important dans le dispositif de lutte contre les antivaleurs »Jeudi 18 Novembre 2021 - 16:30 Les pouvoirs publics ont engagé une lutte contre les antivaleurs en matière de gouvernance. Le colonel-commissaire de police à la retraite, Gaétan-Victor Oborabassi, évoque dans cet entretien exclusif avec Les Dépêches de Brazzaville le rôle attendu de l’officier de police judiciaire dans le cadre de ses missions.
Gaétan-Victor Oborabassi ( G.V.O) : Dans le contexte actuel de la lutte contre les antivaleurs, la phase primordiale consiste à les identifier avec exactitude et à les regrouper suivant l’échelle de gravité, puis à agir sans confusion ni règlement de comptes, en allant à la recherche du profil patrimonial de chacun. Car il existe des antivaleurs comprises comme infractions aux lois. D’autres relèvent du domaine règlementaire. D’autres encore vont à l’encontre de la morale. Par leur degré de nuisance à la société, le front offensif le plus important s’ouvre contre les antivaleurs les plus nocives, celles qui retardent le bon fonctionnement des institutions républicaines, compromettent le bien-être du plus grand nombre des Congolais et créent des obstacles au développement et à l’émergence. Il est vrai que l’opportunité de poursuite revient incontestablement au procureur de la République. Mais le rôle des officiers et sous-officiers de la police nationale et de la gendarmerie nationale est prépondérant et déterminant dans ce combat, du fait de leur grand nombre, leur occupation de l’espace national (le maillage territorial), leur relation directe avec le procureur de la République, leurs moyens techniques spécifiques de recherche des infractions, d’anticipation et de dissuasion. Ils ont véritablement les moyens les plus efficaces de recherche des éléments d’indices de préparation et de commission d’actes (actions ou inactions) constituant des « antivaleurs ». L.D.B : Comment l’officier de police judiciaire se saisit-il des dossiers ? G.V.O : Les voies d’accès à l’infraction ou les modes de déclenchement d’une enquête peuvent être la plainte et la victime, le fait porté à la connaissance de l’officier de police judiciaire par un témoin, une rumeur forte et persistance, une dénonciation, un simple soupçon lorsqu’il s’agit d’affaires liées au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Une enquête de police peut également se déclencher sur instructions des magistrats, sur instructions de la hiérarchie policière, sur information d’un autre service ou d’une autre administration ; voire à la demande d’une police étrangère par le biais de l’Interpol ou par une autre voie de coopération internationale judiciaire ou policière. Ainsi, il est clair qu’à chaque mode de déclenchement de l’enquête de police correspond une réaction policière appropriée. D’où la nécessité de préparer de manière adéquate les officiers de police judiciaire à la maîtrise des textes de lois internationaux et nationaux : le droit pénal spécial, pour permettre la bonne qualification des acteurs asociaux, l’anticipation dans les normes, la rapidité d’intervention légale ; les contours de la procédure pénale policière ; les techniques d’enquête policière ; la connaissance des milieux criminels, les moyens de surveillance générale dans les domaines économique, politique, sociale administratif, culturel… L.D.B : L’officier de police judiciaire est-il libre de son action ou encore utilise-t-il tous les moyens à sa disposition pour accomplir sa tâche dans la lutte contre les antivaleurs ? G.V.O : Pour remplir efficacement leurs missions, les officiers de police judiciaire sont tenus de prendre conscience des atouts à leur disposition : une occupation géographique rationnelle de l’espace national, une bonne organisation hiérarchique, un arsenal humain et technique qui leur permettent d’exécuter la sacro-sainte mission de recherche permanente et efficace des antivaleurs ; sans se dérober ou attendre toujours les ordres de la hiérarchie ou des magistrats. L.D.B : Au fond, c’est qui un officier de police judiciaire ? G.V.O : Selon l’article 14 du code de procédure pénale, la mission de la police judiciaire consiste à constater les preuves, lorsqu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions. L’officier de police est au centre du système de surveillance et de répression de l’Etat. Il est incontestablement l’un des principaux acteurs dans la lutte contre les antivaleurs en général et particulièrement contre la corruption, la concussion, la fraude. Il possède, pour ce faire, deux outils : le renseignement et la répression, en sa qualité d’auxiliaire de justice. L.D.B : Dans ce cas, où commence le travail de l’officier de police judiciaire et où s'arrête-t-il ? G.V.O : La compétence de l’officier de police judiciaire est territoriale et matérielle. Certains d’entre eux sont compétents sur une portion de terrain limitée, dans l’espace administratif et géographique où ils exercent leurs fonctions habituelles : quartier, arrondissement, ville, commune, département… D’autres sont compétents sur l’ensemble du territoire national. D’autres encore, à travers les outils internationaux comme l’Interpol. Propos recueillis par Rominique Makaya Légendes et crédits photo :Le colonel-commissaire de police à la retraite, Gaétan-Victor Oborabassi Notification:Non |