Interview. Jacky Olandjo : « La danse est un métier comme un autre »

Vendredi 30 Décembre 2022 - 15:15

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Pasteure, âgée de 58 ans, née d’un père brazzavillois et d’une  mère kinoise, la présidente de l’Association des danseurs professionnels de la rumba congolaise décrie l’injustice dont est victime sa corporation. Elle milite pour que leurs droits soient reconnus et protégés par la loi, explique-t-elle dans cet entretien exclusif avec "Le Courrier de Kinshasa".

Jacky Olandjo, présidente de l’Association des danseurs professionnels de la rumba congolaise (Adiac)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Que faut-il comme atout pour être présidente de la grande association des danseuses de la République démocratique du Congo  ?

Jacky Olandjo (J.O.) : J’occupe ce poste suite au choix de mes petites sœurs. C’est elles qui ont porté leur regard sur moi, porté ce choix sur moi. Je ne sais pas dire quel atout il faut, peut-être est-ce lié à mon ancienneté dans la profession car ma carrière est très vaste.

L.C.K. : A combien d’années se chiffre votre carrière de danseuse  ?

J.O. : J’ai commencé très jeune ! J’avais aux alentours de 10 ans quand j’ai intégré le ballet d’Alexis Tshibangu. A Brazzaville, c’est nommé Ngouaka tour, qui y a été installé par M. Djaboua du ballet Djaboua. De là, j’ai intégré l’orchestre Minzoto Wella-Wella grâce auquel j’ai voyagé en Europe avec le père Buffalo. Et, à mon retour, j’ai rejoint Abeti auprès de qui j’ai travaillé pendant un assez long moment. J’ai été à la base d’une révolution menée avec une bonne partie de danseuses. Ensemble, nous avons créé le groupe de danseurs et danseuses professionnels baptisé Les fléchettes. Nous faisions des playbacks dans les boîtes de nuit et accompagnions aussi les artistes dans leurs clips vidéos et autres divers spectacles. De là, j’ai ensuite intégré l’Ok Jazz qui, au départ, louait les services de mon ballet à l’époque de Franco. Puis, cette organisation s’est éteinte comme c’est souvent le cas dans le monde musical, où elles naissent et meurent. Alors je suis devenue « Francorette » et j’étais rémunérée le mois. J’ai ensuite quitté l’orchestre et reformé une autre formation de danse, le ballet Africa Ekoya, du nom de ma mère, ce nom que je porte également. Ekoya est un mot qui signifie à venir, le ballet se voulait celui de l’Afrique à venir, celui de demain. Puis, j’ai rejoint l’équipe de Tshala Muana avec qui j’ai réalisé plusieurs tournées. Et, j’ai même participé au premier anniversaire de Congo assistance avec les Boney M au côté de Tshala Muana. De là, j’ai travaillé avec le général Defao,en compagnie de la vice-présidente Florence Mbongo. Mais j’ai quitté le milieu, du moins la carrière active car je suis devenue pasteur. Mais n’empêche qu’entre temps, nous avons créé l’Association des danseurs professionnels de la rumba congolaise qui regroupe les anciennes danseuses. Celles qui ont œuvré, fait des clips et n’ont jamais été rémunérées et encore moins récompensées d’aucune manière. Nous avons rassemblé ceux d’autrefois, les anciens, les nouveaux et les actuels de sorte à élever nos voix, réclamer nos droits ensemble.

L.C.K. : Auprès de qui pensez-vous réclamer vos droits  ? Et qu’espérez-vous obtenir suite à cette démarche commune ?Jacky Olandjo et sa vice-présidente Florence Mbongo (Adiac)

J.O. : Nous espérons beaucoup de choses. Pour commencer, les anciennes danseuses ont constaté que notre métier est déconsidéré parce qu’il est maintenant infesté par trop de parasites. Ceux qui viennent le pratiquer font preuve de beaucoup de légèreté. L’on entend partout dire les saletés que l’on y rencontre si bien que nous sommes toutes salies. Florence est une avocate, je suis pasteur et nous ne sommes pas les seules à être des personnes respectables. J’ai certes grandi dans ce métier mais à entendre toutes les vulgarités qui en émanent, cela nous touche aussi directement car devenues mères et grands-mères nous faisons face aux questionnements de nos petits-enfants. Ces derniers sont outrés d’apprendre de la bouche d’une danseuse la vie légère qu’elles mènent lors d’un entretien dans une chronique musicale. Et, plusieurs questions me reviennent sur le sujet : « Koko, il se dit des choses sur votre métier, qu’en est-il au juste? etc. ». Cela n’est pas honorant ! Aussi avons-nous décidé de nous lever pour redresser, rééduquer cette génération et ensuite nous voulons dire tout haut que le métier de danseuse n’est pas synonyme de bordel. C’est un métier comme un autre, il s’apprend à l’école, voire au niveau supérieur, à l’Institut national des arts. La danse est un métier à considérer comme tel. Nous comptons nous adresser à qui de droit pour que l’on nous prête attention et qu’une loi soit votée pour que la danse soit reconnue comme un métier à part entière que pourrait exercer une femme au foyer, une pasteure, etc. Dans mon cas, avec la réputation qu’ont les danseuses de nos jours, si je me mets à danser on criera au démon. Pourtant, l’on sera plus tolérant avec une banquière ou une fonctionnaire à qui l’on permettra de prêcher la bonne parole comme si les démons n’existaient pas dans ces professions-là mais qu’ils résidaient dans la danse. C’est pourquoi nous avons décidé de nous lever pour nos droits dans l’espoir que Dieu suscitera des hommes qui nous prêteront main forte dans ce combat.  

 

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1-Jacky Olandjo, présidente de l’Association des danseurs professionnels de la rumba congolaise /Adiac 2- Jacky Olandjo et sa vice-présidente Florence Mbongo /Adiac

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