Italie : encore et toujours des mots et des gestes contre la ministre Kyenge

Jeudi 5 Septembre 2013 - 18:11

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Il ne se passe plus de jours désormais sans que la ministre italienne de l’Intégration ne fasse le gros des titres de la presse. Souvent contre elle-même

On l’appelle désormais dans la presse « la plus connue des Kyenge ». Mais, à voir ce que les partis et groupuscules d’extrême-droite disent contre la ministre d’origine congolaise, on peut gager que Mme Cécile Kyenge Kashetu se serait bien passée de cette notoriété-là. Le seul fait d’être la première ministre italienne issue de la diaspora africaine était déjà assez pesant. Fascistes anciens et nouveaux, groupuscules extrémistes de tous bords enrageaient déjà de la voir ministre, elle, une Noire dans cette Italie où la diversité peut se limiter à la rigueur, à la tolérance dans un même bureau d’un Milanais aux côtés d’un Sicilien. Tous des Italiens. Tous des Blancs.

Il n’y a pas longtemps encore, dans certains bars du nord de l’Italie, on affichait que l’accès était interdit aux chiens… et aux Napolitains ! C’est dire si une citoyenne appartenant à cette « minorité visible » dont parlent les Canadiens était un phénomène étrange dans les rangs du gouvernement ! Dans la presse, on ne compte plus les insultes et les provocations contre « la Kyenge » (ici on prononce curieusement Kieinje ; pas Kyengué comme il se devrait). Elles vont des plus farfelues aux plus abjectes, franchement racistes. Chacun y va de sa trouvaille. Un sondage a relevé que Cécile Kyenge est la plus citée des membres du gouvernement dans les réseaux sociaux (près de 24%) après le Premier ministre Enrico Letta (36%).

Cette semaine, c’est le groupuscule Forza Nuova (FN) d’extrême-droite qui tient les devants de la scène. Devant le siège du Xe arrondissement de Rome-Ostie où la ministre devait prendre la parole mercredi – elle l’a d’ailleurs prise, sous les acclamations nourries de la foule -, FN est allé jeter des mannequins couverts de sang pour dire ce qu’il veut faire de Cécile Kyenge. Puis, tournant et retournant la vie de Mme Kyenge, le groupuscule a fini par dégoter qu’une sœur de la ministre, Kapya Dora Kyenge, s’était querellée avec sa voisine albanaise dans la ville de Pescara ; que le litige de voisinage avait fini en bagarre et chez le juge de paix. Titre de la presse d’extrême-droite : « Alors ‘ la sœur’, c’est cela, l’intégration que tu nous promets ? »

Il n’y a dans le gouvernement que deux personnes que cette montée de haine raciste ne suffit pas à désarçonner : le Premier ministre Enrico Letta et la ministre concernée ! Pour M. Letta, « l’entrée dans le gouvernement et l’action de Cécile Kyenge ont permis d’engager le débat sur l’intégration » dans la société italienne. Il lui a renouvelé publiquement sa confiance. Quant à Cécile Kyenge Kashetu, de plus en plus populaire même dans l’opinion de l’Italien ‘normal’, elle a affirmé, mercredi, sa confiance dans l’avenir. « Tout cela glisse sur moi et me convainc de la nécessité d’aller de l’avant. » Toutefois, un autre mouvement xénophobe a fait titrer mercredi : « Mme la ministre est-elle payée par la Ligue arabe ? », après que Cécile Kyenge eût visité la mosquée de Rome…

Lucien Mpama