L’Algérie sur la sellette : l'UE sonne l’alarme sur des flux financiers douteux vers le Sahel et le Polisario

Vendredi 13 Juin 2025 - 12:00

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Coup de tonnerre diplomatique à Bruxelles. L’Union européenne (UE) a officiellement inscrit l’Algérie sur sa liste noire des juridictions à haut risque en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Une décision à forte portée géopolitique qui place Alger dans une position de défi vis-à-vis de ses partenaires européens et africains.

C’est une décision rare, aux implications lourdes. Sous pression de plusieurs services de renseignement nationaux, la Commission européenne a ajouté, le 11 juin, l’Algérie à la liste des pays tiers à « haut risque ». Selon des documents confidentiels transmis à Bruxelles, des structures financières algériennes seraient soupçonnées d’avoir servi de relais à des flux illicites impliquant des entités iraniennes, sahéliennes et latino-américaines. « Ce n’est pas simplement une anomalie bancaire, c’est une architecture parallèle de financement transfrontalier qui inquiète au plus haut niveau », confie un haut fonctionnaire européen en charge du renseignement financier. Les flux auraient transité via des canaux bancaires et des sociétés écran vers des zones instables du Sahel (Nord Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad), mais aussi vers les camps du Polisario à Tindouf, dans le Sud-Ouest algérien.

La réaction à Alger ne s’est pas fait attendre. Le président Abdelmadjid Tebboune, le général Saïd Chengriha, et Boualem Boualem ont convoqué un Conseil de sécurité élargi. Le communiqué officiel parle de « manœuvres hostiles visant à affaiblir la position de l’Algérie sur la scène africaine et à l’ONU ». En privé, une source proche du gouvernement algérien affirme : « Nous sommes visés non pour ce que nous faisons, mais pour ce que nous représentons : une puissance régionale indépendante, gênante pour certains agendas ».

Le Polisario, outil d’influence ou d’instabilité ?

Un rapport confidentiel mentionne une stratégie de harcèlement hybride, combinant logistique discrète, relais financiers et redéploiement de combattants sous bannières locales. « Nous avons observé une circulation non négligeable de cadres entraînés, opérant dans les zones grises du Sahel, parfois en lien avec des groupes armés communautaires », explique un expert militaire français basé à Niamey. Un diplomate Ouest-africain va plus loin : « Le Polisario n’est plus un acteur isolé du conflit saharien. Il devient une variable d’instabilité transnationale, utilisée pour influencer l’équilibre sécuritaire régional ».

Pour l’UE, cette inscription sur la liste noire n’est pas seulement symbolique : elle ouvre la voie à un contrôle renforcé des transactions, une restriction des flux bancaires et une méfiance accrue à l’égard des institutions algériennes. Un haut conseiller à la Commission européenne précise : « La coopération financière passe par la confiance. Or, nous avons désormais des éléments concrets montrant que cette confiance est rompue ». Dans les couloirs du Conseil de l’UE, on parle déjà d’un « test diplomatique » pour Alger, appelé à prouver sa volonté de coopération et à clarifier ses relations avec des acteurs non étatiques opérant dans les zones sensibles.

Vers une recomposition des équilibres régionaux ?

Dans les capitales sahéliennes, cette décision européenne est suivie de près. Elle pourrait rebattre les cartes d’une région en quête d’ancrages solides. Selon un diplomate basé à Nouakchott, « La Mauritanie marche sur une ligne de crête. Toute interférence de forces extérieures pourrait fragiliser sa position ». Pour un expert en géoéconomie basé à Rabat, cette crise révèle une mutation plus profonde: « L’Algérie est en train de passer d’un statut de puissance régionale stabilisatrice à celui d’acteur ambigu. Cette bascule inquiète autant qu’elle isole ». « Le Polisario n’est plus seulement un levier diplomatique, c’est devenu un outil de nuisance géostratégique », avertit un diplomate européen basé à Bamako.

 

Noël Ndong

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