Les mafias prospèrent aussi sur le colossal marché des déchets

Mercredi 16 Juillet 2014 - 18:45

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L’Italie appelle à une coordination internationale pour contrer le phénomène d’exportation illicite des déchets qui touche aussi l’Afrique

La justice italienne estime qu’il n’y a plus de temps à perdre : il faut contrer au plus vite le phénomène de l’éco-mafia dont l’activité devient de plus en plus internationale. La multiplication des contrôles et des saisies en Italie a poussé les barons de la criminalité organisée à étendre et multiplier leurs aires d’activités en dehors de la péninsule. Parce que proche, mais aussi parce que vulnérable aux frontières et peu regardante, l’Afrique reçoit désormais, avec ou sans son accord, les résidus légaux ou pas de l’activité industrielle européenne et occidentale.

La mafia des déchets, c’est une industrie qui tourne : 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires au bas mot l’an dernier, selon le procureur italien anti-mafia Franco Roberti. Il précise que l’autre donnée qui émerge des enquêtes de ces derniers jours est que les bandes organisées ne sont plus seules dans la course. Des individus, y compris parmi la diaspora africaine d’Italie, s’y sont mis aussi. « Le trafic illégal des déchets est un délit d’entreprise. Il naît d’une demande de service illégal que les entrepreneurs adressent aux organisations mafieuses. »

Celles-ci y répondent d’autant plus volontiers qu’il y a une compétition au plus offrant. L’attractivité d’une telle montagne d’argent à « se faire » sans gros investissements agit comme un aimant sur le business des déchets ; peu y résistent. Celui qui les a produits ferme les yeux, pourvu qu’ils quittent le lieu de production. Celui qui en prend livraison n’indique pas forcément où il compte les enfouir ou les recycler. Celui qui les évacue n’est pas toujours conscient de servir de relais à un trafic parfois dangereux.

Il y a une semaine, trois dépôts de déchets illégaux ont été mis sous séquestre dans le sud italien. Leurs propriétaires, un groupe d’amis nigérians, a soutenu mordicus qu’ils rendaient service à l’Afrique en y envoyant de vieux frigos, des pièces détachées de voitures et des cuisinières à gaz déparées ; ils feraient le bonheur de beaucoup. Pourtant, des vieilles machines à laver et de toutes sortes de vieilles machines d’hôpitaux, des liquides indéfinissables dégoulinaient. Le bon samaritain auprès de qui ils s’étaient fournis s’était bien garder de préciser la nature de tout ce qu’il y avait à jeter.

Pour Franco Roberti, ce qui devient préoccupant, c’est ce qu’il appelle une « globalisation du phénomène ». « En dehors de l’Afrique, les trafics s’étendent aujourd’hui à l’Europe de l’Est : Bulgarie et Roumanie principalement. C’est-à-dire précisément les pays où la production italienne s’est délocalisée. Et puis, il y a aussi l’Asie avec la Chine » qui sont devenues des réceptacles de tout ce dont l’Europe ne veut plus et qu’il faut faire disparaître n’importe où, n’importe comment.

Le procureur appelle ses homologues des pays où cette éco-mafia est en train de réaliser de juteuses mais dangereuses affaires pour la santé des populations ou la dégradation irréversible de l’environnement à se réveiller. « Il n’y a pas de temps à perdre », estime-t-il. Il souhaite notamment que son propre pays inscrive au plus tôt le délit de mafia écologique dans les textes répressifs pour permettre à la justice d’agir plus efficacement.

Lucien Mpama