Mali : fin des poursuites contre Amadou Haya Sanogo

Mardi 16 Mars 2021 - 13:00

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La justice malienne a ordonné le 15 mars, à l'issue d’un procès, la fin des poursuites contre le général Amadou Haya Sanogo, l’auteur du coup d’Etat contre Amadou Toumani Touré (ATT) en mars 2012.

Capitaine à l’époque des faits, le chef de la junte militaire Amadou Haya Sanogo doit son salut à l’adoption en 2018 d’une loi d’entente nationale visant à « concrétiser la politique de restauration de la paix et de la réconciliation ».

« Cette décision ne doit étonner personne en vertu de la loi d’entente nationale, qui exonère tous ceux qui ont commis de graves crimes en 2012, hormis ceux qui ont commis des crimes relevant de la Cour pénale internationale », a commenté Oumar Mariko, président de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) et membre de Mouvement du 5 Juin. « Si le fait de ne pas poursuivre les auteurs permet l’apaisement au sein de l’armée et de la nation, la Cour d’appel ne pouvait que prendre cette décision », a-t-il ajouté.

Le général Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés étaient poursuivis pour l’assassinat de 21 bérets rouges. Ces soldats, restés fidèles à ATT, avaient tenté un contre-coup d’État le 30 avril 2012. Arrêtés et conduits à la ville-garnison de Kati (à quinze kilomètres de Bamako), les bérets rouges ont finalement été exécutés entre le 2 et le 3 mai.

Pour leur part, les proches des victimes ont conclu un accord d’indemnisation avec le gouvernement. Dans le menu détail, les familles des soldats vont recevoir quinze millions FCFA, vingt millions pour celles des caporaux, trente millions pour celles des sergents chefs, trente-cinq millions pour celles des adjudants et quarante millions pour celles des lieutenants.

En outre, des funérailles nationales à la mémoire des victimes, dont les enfants mineurs sont considérés comme des « pupilles de la nation », devraient se tenir. Enfin, l’Etat malien a pris l’engagement d’attribuer à chaque famille un logement social « de type F5 ».

La décision de la Cour d'assises de Bamako marque la fin du procès du Général Sanogo, ex-président du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’État malien,  ayant démarré en 2016 à Sikasso (plus de 300 kilomètres au Sud-Est de la capitale).

Par ailleurs, les défenseurs des droits humains n'ont cessé d'exprimer leur préoccupation que la justice aboutisse à la décision finalement rendue lundi et ne crée un précédent, dans un pays en pleine tourmente où sont constamment dénoncées des exactions de toutes parts, y compris de la part des forces armées.

Bien que les crimes de guerre ou contre l'humanité soient exclus du champ d'application de la loi de 2019, Amnesty International et de nombreuses organisations ont dit leur crainte que la décision ne serve à des fins politiques pour exonérer de graves violations des droits.

« Le Mali souffre depuis longtemps d'une culture d'impunité face aux abus en tous genres. L'acquittement de Sanogo, rendu par une singulière ironie au nom de la réconciliation, adresse le mauvais message à tous ceux qui commettraient de tels abus, et représente un inquiétant pas en arrière dans la lutte pour l'Etat de droit au Mali », a commenté Corinne Dufka, directrice pour le Sahel de l'ONG Human Rights Watch.

Yvette Reine Nzaba

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