Mali : la fin d’une ère d’influence occidentale

Lundi 10 Novembre 2025 - 15:13

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Face à l’effondrement sécuritaire et énergétique, Paris et Washington actent leur retrait.

Le Quai d’Orsay ne laisse plus place à l’ambiguïté. Dans un communiqué inhabituellement explicite, la France a recommandé le 7 novembre à ses ressortissants de « quitter le Mali dès que possible », évoquant un climat « imprévisible et volatile ». Les mots sont forts et traduisent une réalité : le Mali n’est plus seulement un État en crise, mais un territoire en décomposition sécuritaire. Les routes du nord et du centre sont désormais contrôlées par des groupes armés affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, tandis que la pénurie de carburant paralyse la circulation, les approvisionnements et l’économie informelle. À Bamako, les stations-service sont à sec, les transports collectifs s’arrêtent et les files s’allongent sous un soleil de plomb.

Un double signal diplomatique

Quelques jours plus tôt, Washington avait lancé le même avertissement à ses ressortissants, évoquant une « détérioration rapide » et autorisant le départ du personnel non essentiel. Ces deux signaux conjoints confirment un constat partagé : le Mali est devenu ingouvernable, même pour ses partenaires traditionnels. Depuis la rupture avec la France et la montée en puissance du partenariat russo-malien, la sécurité s’est davantage dégradée que stabilisée. Les mercenaires du groupe Wagner - désormais intégrés au dispositif militaire russe - peinent à contenir l’insurrection djihadiste qui s’étend du nord de Gao jusqu’aux frontières burkinabè et nigérienne.

Un effondrement énergétique et économique

La crise actuelle révèle aussi la fragilité énergétique du pays. Dépendant quasi totalement des importations de carburant via les ports côtiers d’Abidjan et de Dakar, le Mali subit de plein fouet les ruptures logistiques et la spéculation régionale. Les pénuries s’ajoutent à l’isolement financier d’un régime sous sanctions régionales, accentuant la paupérisation des ménages urbains. L’économie malienne, déjà asphyxiée par l’insécurité, entre dans une spirale de paralysie : transports bloqués, vivres rares, inflation record.

Le Sahel, champ de recomposition géopolitique

Pour Paris et Washington, cette évacuation marque la fin d’un cycle. Dix ans après le lancement de l’opération Serval, le Mali s’éloigne définitivement de l’orbite occidentale. Le vide laissé au Sahel profite à la Russie, qui consolide sa présence militaire, et à la Chine, déjà active sur les corridors miniers. Mais la guerre d’influence qui s’y joue est avant tout économique et énergétique, sur fond de crise alimentaire et climatique croissante. L’appel à quitter le pays sonne donc comme un aveu d’impuissance stratégique. Dans un Sahel où l’État se délite, la géopolitique se confond désormais avec la survie.

Noël Ndong

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