Migrants : faut-il les trier selon les religions ?

Mardi 8 Septembre 2015 - 19:19

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L’opinion européenne semble divisée devant le risque d’infiltration terroriste parmi les 300.000 migrants arrivés en quelques jours de Syrie.

L’Allemagne a pris toutes les capitales européennes de court. En ouvrant ses portes aux migrants syriens – elle les désigne par le mot plus  respectueux de réfugiés – la chancelière allemande Angela Merkel a coupé des ailes à une xénophobie qui commençait à donner de la voix. A quelques encablures de la Libye, ancienne colonie et aujourd’hui terrain de jeu du mouvement Etat islamique, l’Italie par exemple a maintenu une ligne où a prévalu le mot d’accueil mais où la vigilance de tous les instants était également au centre de tous les dispositifs.

En juillet dernier le mouvement terroriste avait d’ailleurs revendiqué l’attentat  dévastateur du consulat italien au Caire. Aujourd’hui, alors que la menace djihadiste sur l’Italie n’a jamais baissé d’intensité, on affirme que l’Etat islamique vient de renforcer ses rangs d’une quarantaine de nouveaux combattants « provenant d’Afrique », sans doute, à la faveur de la vague, sans précédent de migrants qui chamboulent les traités et les frontières en Europe. La mort du petit syrien Aylan, trois ans, sur une plage de Turquie a donné le coup fatal aux hésitations et aux velléités de se boucher yeux et oreilles devant le drame en cours.

Résignée plus que convaincue, l’Europe prône donc l’ouverture et l’accueil, sous conditions, des migrants fuyant la guerre surtout en Syrie. Mais qui sont ces hommes et ces femmes qui sont parvenus à enfoncer les barricades hongroises faites de barbelés ; affronter les mers agitées et parcourir à pieds les trajets dans des endroits hostiles tels les autoroutes ? Il s’agit assurément de victimes des bombardements, enlèvements et décapitations de l’Etat islamique. Il s’agit aussi de chrétiens irakiens chassés de la région de Ninive où ils vivaient depuis des millénaires. Faut-il privilégier ceux-ci plutôt que ceux-là ? La question n’est plus de l’ordre des tabous.

« L’Allemagne a choisi les ‘meilleurs immigrés’ et nous a regardés batailler seuls contre les migrations africaines », soutient par exemple le député de droite italien Fabio Rampelli. Devant « le risque de disparition » des chrétiens d’Irak et de Syrie qu’a dénoncé le ministre des Affaires Paolo Gentiloni, l’évêque syrien d’Alep, Antoine Audo, souligne comprendre que l’opinion ait « peur de l’islam ». Il appelle les chrétiens à ne pas quitter leurs terres ni à s’installer dans cet occident « qui détruit notre pays » avec le commerce de ses armes.

Rester et résister ? Belles paroles, mais la réalité est dure. Beaucoup de chrétiens fuient leur pays. A Roanne et à Belfort, en France, les maires ont indiqué leur volonté d’accueillir des réfugiés syriens, « à condition qu’ils soient chrétiens ». Une mesure aussitôt condamnée par l’exécutif français. En Hongrie, un évêque, Mgr Kiss-Rigo, estime de son côté que le pape qui appelle à accueillir des réfugiés dans les paroisses catholiques se trompe. Il ne faut pas accueillir n’importe quel syrien mais seulement les chrétiens, « parce que les musulmans, eux, ont de l’argent ».

En Italie, deux voix issues de l’immigration condamnent la discrimination naissante sur des bases religieuses. Izzedine Elzir, président de l’Union des communautés et organisations islamiques d’Italie (UCOII), estime que « cette gravissime discrimination est contraire à toutes les constitutions européennes ». Et le député de gauche d’origine marocaine Khalid Chaouki ne dit pas autre chose : « La sélection des réfugiés sur des bases raciales ou religieuses est inacceptable, intolérable. Ce serait de la pure myopie, parce qu’on ne répond pas à un drame humain par de la discrimination ».

Lucien Mpama

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