Musique : musicien, une espèce non protégée en voie de disparition ?

Jeudi 8 Décembre 2022 - 19:49

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En République du Congo, on aurait pu pendant les concerts remplacer les musiciens par des pots de fleur. Ouf, pour que la scène garde une certaine « gueule »,  c’est moins triste de les avoir remplacés par des danseurs. Et le public en redemande...

 

 

Programmation musicale assistée par ordinateur, synthétiseurs, échantillons en boucle, auto-tune pour corriger la voix sont devenus les fondements de la musique urbaine. On ne s’encombre pas de musiciens, un beatmaker suffit, cela sonne propre et actuel, le Rap et le RnB se taillent la part du lion, le public congolais en redemande et inutile de lui parler des lyrics, il s’en contrefiche la plupart du temps. Si le procédé trouve une place légitime en studio d’enregistrement, qu’en est-il lorsque les artistes ont à se produire sur scène ?  Artistiquement parlant, pas grand chose en vérité. Tout est dans la clé USB !  C’est « secure », économique et garanti sans fausses notes ! Au micro,  un playback suffira, pour peu que l’on sache malgré tout synchroniser les lèvres avec la voix servie sur un plateau dans le MP3.  D’autres préféreront le semi-live pour chanter ou rapper en direct sur l’instrumental sorti des  machines.  Qu’importe, le public en redemande toujours.  Oui mais, me direz-vous, l’expression scénique ?

Sono hurlante, feu de lumières, machine à fumée, scène spacieuse ! Mais... pas l’ombre d’un musicien sur scène.  Ni l’ombre d’une batterie, ni ombres d’amplis, de guitare, de basse, de jacks sur les planches, de cuivres ou de quoi ou qu’est-ce.  L’œil est vidé comme peut l’être la scène. A l’heure des concerts sans instruments, on réinvente donc la scène autrement. On aurait pu remplacer les musiciens par des pots de fleurs mais, pour faire bien les choses et ambiancer le show, on les remplace par des danseurs. L’idée n’est pas mauvaise. C’est la nouvelle donne ! Et le public du 242 en redemande encore.  Si le constat paraît alarmant, il n’en reste pas moins que chacun a sa perception de la musique et de sa représentation sur scène.  L’important est d’y trouver son compte.

Néanmoins, ce qu’on l’on devrait appeler le spectacle vivant ne conduit-il pas, de Brazzaville à Pointe-Noire, à la mort lente des musiciens ? Difficile de passer sous silence les heures et les années pour ces musiciens à maîtriser leur instrument, et pour certains jusqu’à lire et écrire la musique, temps de labeur aujourd’hui sacrifié sur l’autel des nouvelles technologies et d’une conception que l’on peut juger appauvrie de ce qui se doit d’être un concert dont  le charme et l’essence est qu’il soit jouer avec des musiciens.  Notons malgré tout que chanter en playback ou semi live, quand bien même cela peut poser parfois question sur la légitimité et la compétence de l’artiste, n’est pas en soi synonyme de manque de talent.  De même qu’il est possible de passer une agréable soirée en assistant à un concert sans musiciens, à la condition peut-être de préférer le son propre des MP3 aux larsens des amplis guitare.

 

Philippe Édouard

Légendes et crédits photo : 

Une scène sans musicien/DR

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