Projet Grand Inga : la Corap dénonce un marché de gré à gré

Samedi 19 Juin 2021 - 15:00

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Pour cette plate-forme d’ONG œuvrant dans le secteur de l’électricité, la convention entre le gouvernement congolais et Fortescue Future Industries est un contrat conclu en violation des lois congolaises sur la passation des marchés publics, des partenariats publics-privés (PPP) ainsi que celle relative au secteur de l’électricité. Et d’alerter que signer cet accord, « c’est vendre le plus grand potentiel hydroélectrique de la RDC à l’aveuglette ».

 

« Est-ce que les motivations présentées par le chef de l’Etat suffisent-elles pour conclure un marché qui déroge aux lois de la République ? ». C’est la grande question que la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (Corap) s’est posée, après la conférence de presse tenue le 12 juin à Goma, au cours de laquelle Félix-Antoine Tshisekedi a présenté l’entrepreneur australien et patron de la firme Fortescue Metal Group (FMG), Dr Andrew Forrest, comme étant l’investisseur le plus sérieux et qualifié pour mettre en œuvre le projet Grand Inga. « C’est par rapport à ces considérations qu’il va bénéficier de l’exclusivité pour le développement du projet de développement des industries vertes substantielles en République démocratique du Congo (RDC), qui vise la production énergétiques de plus de 70 GW, à partir des projets Inga 4, 5, 6,7, 8 ; du projet Mpioka ; du projet Matadi et des turbines fluviales à débit d’eau naturelle pour alimenter les industries vertes qui seront implantées dans le site de Banana au Kongo central », a précisé cette plate-forme.

La Corap fait, en effet, constaté que les négociations en cours entre le gouvernement congolais et Fortescue Future Industrie, succursale de FMG, se font de gré à gré. La plate-forme indique, par ailleurs, que la loi portant secteur de l’électricité dans son article 39, alinéa 1, stipule que les concessions et les licences sont accordées sur la base d'un appel d’offres conforme aux procédures de passation des marchés publics. Alors que son  troisième alinéa table sur les modalités de sélection des opérateurs, d’attribution des concessions, de leur modification et de leur annulation qui sont fixées, sur proposition de l’autorité de régulation du secteur de l’électricité, par décret délibéré en conseil des ministres.

La procédure légale escamotée

Selon cette coalition d’ONG, les démarches actuelles en rapport avec ce projet n’ont pas suivi la procédure prévue par la loi précitée. « De ce fait, il y a lieu de noter la première violation », souligne-t-elle. Et de se demander si le projet de développement des industries vertes substantielles en RDC peut bénéficier d’un marché de gré à gré.

S’appuyant sur l’article 45 de la loi relative aux marchés publics, la Corap indique que tous ces projets ne remplissent aucune des conditions en la matière. « La construction des barrages est un exercice auquel le pays est habitué depuis l’époque coloniale. Les technologies et les entreprises spécialisées dans la construction de grands projets hydroélectriques sont connues, d’autres sont déjà en RDC en train de réaliser certains projets comme Zongo II, Busanga, etc. Cela ne nécessite pas de chercher une entreprise qui a un brevet d’invention ou les droits exclusifs. En plus, il n’y a pas non plus de raison de confier la construction ou le développement de Grand Inga à Fortescue Future Industries pour des raisons techniques ou artistiques. D’ailleurs, cette entreprise australienne n’a pas battu sa réputation dans la construction des grands barrages hydroélectriques mais plutôt dans l’extraction du fer, même si FMG est aussi dans les énergies renouvelables », a fait constater la Corap.

Grand Inga peut encore attendre

Pour la Corap, il n’y a, non plus, pour le pays aucune urgence à développer le projet Grand Inga, étant donné qu’il n’y a aucune industrie qui a exprimé les besoins en énergie de manière urgente. « Quant à certaines entreprises minières, elles ont besoin de l’énergie hic et nunc et non dans cinq ou dix ans. Et pour la même raison, il n’y a aucune situation que l’on peut qualifier de force majeure qui justifierait le gré à gré », a souligné cette plate-forme. Et de rappeler qu’un marché spécial ne concerne que l’acquisition des équipements ou fournitures et les prestations de toute nature strictement liées à la défense nationale, à la sécurité et aux intérêts stratégiques de l’État. « Ils font l’objet d’un décret du premier ministre délibéré en conseil des ministres. Alors que les projets susmentionnés ne peuvent être classifiés parmi les marchés spéciaux, parce qu’ils ne remplissent pas les conditions. Mais aussi, s’il en était le cas, un décret du Premier ministre allait statuer dessus »,  a signifié cette coalition.

 Cette dernière indique par ces analyses que le projet de développement des industries vertes substantielles, qui prend en charge le projet Inga, déroge aux lois de la République et ne semble être qu’à l’avantage de la société Fortescue Future Industrie. « Parce que la RDC devra donner soit une concession ou une licence renouvelable sans limite à cette dernière. Bien au-delà, elle sera exemptée des taxes, impôts et des redevances pendant toute la durée du contrat. Raison pour laquelle la Corap recommande au président de la République de ne pas signer un tel accord, vu qu’il déroge aux lois du pays et n’est qu’à l’avantage de la firme, au détriment du peuple congolais », a onclu la Corap.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Une vue du barrage d'Inga/DR

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