Soudan : Paris alerte sur l'horreur d'El Fasher

Mercredi 5 Novembre 2025 - 11:26

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Face aux massacres attribués aux Forces de soutien rapide au Nord-Darfour, la France appelle à la fin des ingérences étrangères et à une mobilisation internationale, sur fond de rivalités géostratégiques, de trafics d’or et d’effondrement économique soudanais.

La France a condamné « les atrocités à caractère ethnique » perpétrées par les Forces de soutien rapide (FSR) dans la ville d’El-Fasher, au Nord-Darfour. Selon le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ces exactions comprennent « des exécutions sommaires, des viols et des massacres de civils », ainsi que des attaques contre des humanitaires. Paris appelle à ce que « les responsables soient traduits en justice » et à « la protection immédiate des populations civiles ».

Depuis la prise d’El-Fasher le 26 octobre par les FSR, issues des anciennes milices Janjawid, la situation humanitaire est catastrophique. D’après l’ONU, plus de 9 millions de Soudanais sont désormais déplacés, dont 1,8 million réfugiés dans les pays voisins. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que près de 25 millions de personnes - soit la moitié de la population - ont besoin d’une aide humanitaire urgente. Le départ forcé de responsables du PAM, exigé par Khartoum, accentue l’isolement du régime et compromet la coordination de l’aide.

Sur le plan politique, la guerre entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les FSR du général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti, menace de diviser durablement le pays. L’Union africaine (UA) appelle à un « cessez-le-feu immédiat et vérifiable » tandis que les Nations unies, par la voix d’Antonio Guterres, dénoncent « une guerre alimentée par des intérêts extérieurs ». Le conflit soudanais est devenu un champ de confrontation géo-économique. Les FSR contrôlent une partie des mines d’or du Darfour, dont la production alimente un trafic estimé à plus d’un milliard de dollars par an, via le marché noir régional. Des rapports de l’ONU évoquent le rôle de réseaux de contrebande reliant Dubaï, le Tchad et la Centrafrique. « L’or est devenu l’arme silencieuse de la guerre soudanaise », observe un diplomate africain cité à Addis-Abeba.

Sur le plan international, Paris rejoint Washington, Londres et Bruxelles dans leur appel à la cessation des livraisons d’armes. L’Union européenne prépare un renforcement des sanctions ciblées contre les chefs militaires soudanais. Les bailleurs internationaux, dont la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, maintiennent la suspension de leur aide, évaluée à plus de 2,5 milliards de dollars, en attendant un retour à un gouvernement civil. Pour la diplomatie française, il s’agit autant d’une urgence humanitaire que d’un enjeu de sécurité régionale. « Le Soudan est au cœur d’un arc d’instabilité qui va du Sahel à la mer Rouge », souligne un haut responsable du Quai d’Orsay. Sans pression concertée des puissances régionales et des institutions multilatérales, le pays risque, selon les observateurs, de glisser vers une « somalisation » prolongée - une guerre sans fin, où économie de guerre, trafics et fractures ethniques se nourrissent mutuellement.

Noël Ndong

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