Transition professionnelle : Asie Dominique de Marseille change de casquetteVendredi 19 Septembre 2025 - 10:08 Après 35 ans de métier de journaliste et avoir couvert et traité tant de dossiers cruciaux, Asie Dominique de Marseille se convertit en écrivain où il partage et transforme ses experiences vécues en essais et romans littéraires. En une année, il a publié plus de huit ouvrages traitant des dossiers sur les biens mal acquis, les relations France-Afrique, les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, l’irréversibilité des réformes au Congo, le phénomène de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, etc. Dans cette interview, Asie Dominique de Marseille déplore et peint également un tableau sombre de la literature congolaise qui manque de financement et propose des pistes des solutions.
Asie Dominique de Marseille (A.D.M.): Après 35 ans de profession, prenant ma retraite, je ne me voyais pas en train de sucer les bonbons et puis de rouler le pouce. Il était normal que je puisse me convertir dans l'écriture littéraire, parce que durant ma pratique professionnelle, j'avais pris le soin d’emmagasiner tous les dossiers que j'ai traités tout au long de ma carrière journalistique. C’est ce qui me sert aujourd'hui. Pour chaque dossier traité puis archivé, j'avais un petit résumé publié dans la presse et le reste je gardais à la maison. Alors, 35 ans de métier, vous imaginez quelle est la panoplie des dossiers que j'ai amassés qui me permettent aujourd'hui de les rédiger sous forme d'essais et de romans. Je retoilette le tout et cela me permet facilement d’écrire. J'ai pensé qu’après avoir donné à la presse des dossiers que je possedais, censurés par la ligne éditoriale des médias dans lesquels j'ai évolué, maintenant, je suis mon propre média en tant qu'écrivain et je possède ma propre ligne éditoriale. L.D.B.C. : Peut-on connaître le nombre des ouvrages qui sont sur les rayons? A.D.M. : A ce jour, je suis à mon huitième ouvrage en une année. J'ai publié d'abord “Le doute interdit” qui est un roman, aux éditions Hemar. Ensuite, j'ai enchaîné avec “Le Conseil sur la liberté de communication”, un essai. Je suis revenu sur “L’appel du silence", un roman. Je suis reparti sur “Les biens mal acquis”, un essai. “Les relations France-Afrique”, un essai. Il y a aussi “La République du colonel”, un roman et “La France et ses casseroles en Afrique”, etc. L'avantage, en publiant tant d’ouvrages, est le fait que l'année dernière, j'ai envoyé mes manuscrits à plusieurs éditeurs par email. Aujourd'hui, je suis agréablement surpris que la plupart de ceux que j'ai envoyés, au moins huit ouvrages ont été édités. Je n'ai pas soumis que huit, peut-être douze manuscrits. Mais sur les douze, huit ont été retenus. Il y a beaucoup d'éditeurs français qui ont accepté de les publier. Voilà pourquoi cela fait quand même une bonne bagatelle d’ouvrages déjà publiés. Je ne connais pas d'écrivain qui peut sortir huit ouvrages en une année. Voilà le sens de la veste d'écrivain que je mérite. L.D.B.C. : Qu'est-ce que vous évoquez dans vos ouvrages? A.D.M. : Chaque ouvrage est inspiré par un fait réel. Je regarde et j’observe les révolutions qui s'opèrent en Afrique de l'Ouest. Un jeune colonel qui se trouve à la tête du Mali. Un capitaine qui a pris le pouvoir au Burkina Faso. Un général au Niger. Un autre colonel devenu général en Guinée. Et un autre au Gabon. Alors, je me suis dit, mais qu'est-ce qui se passe? Pourquoi ces jeunes officiers prennent-ils le pouvoir ? Et bizarre, ces jeunes-là ont un succès incroyable. Ainsi, j'ai été inspiré et j'ai écrit "La République du colonel". C’est un colonel qui part de la formation, qui revient au pays et organise un putsch, tue le roi Sabi et s'installe au pouvoir. “L'appel du silence”, c'est une forme d'autobiographie qui retrace mon itinéraire jusqu’à devenir journaliste. Et cet appel du silence, c'est pour montrer aux jeunes générations le chemin que j'ai suivi. Vous aussi, vous pouvez le suivre. Et voilà mon exemple. Il fallait que je mette cet exemple-là, évidemment, sur papier. Dans l’essai “Congo: chronique d’une réforme irreversible”, je démontre au public qu'il n'y a pas de choix. Nous sommes obligés de réformer tous les secteurs de la société conglaise en commençant par l'éducation, la santé, l'économie, la culture et le sport. Tout est à réformer. Si le Congo n’opte pas pour des réformes, c'est la catastrophe. Raison pour laquelle j'ai écrit que la réforme est irreversible et obligatoire. Tous ces ouvrages ont un grand écho favorable tant au niveau national qu' international. L.D.B.C. : On vous a surpris en train de finaliser un ouvrage sur la Sape. Pourquoi ce choix ? A.D.M. : La Sape est un phénomène qui est devenu un patrimoine mondial. Elle n'est plus une marque de fabrique congolaise née au Congo et a traversé le fleuve pour Kinshasa. Aujourd'hui, elle a échappé aux frontières du Congo. On ne regarde pas le côté bling bling, c'est-à-dire le côté habits, fierté. Mais, on regarde le côté culturel, éducatif et social. La Sape est un facteur d'unité, d'entente, de culture et de vivre-ensemble. Le préfet Marcel Ganongo a amené les sapeurs dans le département de la Bouenza pour célébrer le 65e anniversaire de l’indépendance du Congo. Là-bas, il n'y a pas de religion, d'ethnie, de peau et de violence. C’est un brassage de culture. Et ce livre, quand vous l'avez lu, il n'est pas un livre léger. Ce n'est pas un album photo. C'est une véritable étude approfondie sur le phénomène de la Sape, l'histoire du vêtement, la philosophie de la chaussure, d'où vient le vêtement, pourquoi on s'habille, quel est le rôle de l'habillement, pourquoi on met les chaussures, etc. On commence par l'histoire de la Sape et les héros qui l'ont marquée ainsi que ses dix commandements. L.D.B.C. : Parmi les écrivains congolais, qui vous a plus inspiré? A.D.M. : Il y a Sony Labou Tansi, c'est mon père spirituel. Quand je recule un peu, je vois Henri Lopes avec son ''Pleurer-rire''. Et puis, Tchicaya Utam’si. Je n'oublie pas un grand poète qui est Gabriel Mwènè Okoundji. Au passage, évidemment, je tire un gros chapeau à Alain Mabanckou. C'est de lui, vraiment, que j'ai eu le grand goût de l'écriture. Ils sont nombreux, j’oublie certains. A propos, je suis allé rencontrer le president des écrivains congolais, Henri Djombo. Je lui ai apporté mes bébés que j'ai mis au monde. Il était agréablement surpris. “Ce n’est pas vrai. Pour un bébé qui naît, tu as déjà fait ce travail. C'est très bien, bienvenue à la famille des écrivains”, avait-il dit. Par la suite, il m’a recommandé de côtoyer d’autres écrivains et de participer à des manifestations d’ordre littéraire des écrivains du Congo. Il ne me reste qu’à consacrer le reste de ma vie à l’écriture littérature. L.D.B.C. : Alors, quel regard portez-vous sur la littérature congolaise ? A.D.M. : C'est un regard qui est positif, parce qu'il y a des jeunes écrivains qui sont en train d'émmerger. Et puis, il y a des maisons d'édition qui naissent au Congo. S'il n'y a pas d'édition, c'est inutile de faire de la littérature. Vous écrivez, mais il faut qu'il y ait un éditeur pour produire. Mais cette même littérature souffre d’un manque de financement et d’accompagnement pour supporter la publication d'un ouvrage. Certains ouvrages sont publiés à compte d'auteur, cela veut dire que l’auteur investit des moyens pour publier le livre. D'autres, par contre, sont pris en charge directement par les éditieurs. L'appel est que le gouvernement puisse mettre des moyens énormes pour booster notre littérature. Je propose que le gouvernement mette en place un festival de la littérature congolaise. Une grande fête où les écrivains vont se communiquer durant deux, trois jours autour des conferences-débats sur la littérature congolaise. Et le tout focalisé sur des grandes conferences et expositions afin de permettre aux participants et aux étudiants de poser des questions sur le contenu des ouvrages des écrivains congolais. Si on peut obtenir un tel financement, cela permettra de faire connaître nos auteurs. Propos recueillis par Stanislas Okassou Légendes et crédits photo :Asie Dominique de Marseille/DR Notification:Non |