Valeurs morales : des comportements déviants observés lors des veillées mortuaires

Vendredi 10 Février 2023 - 12:10

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Archange Trésor Okouyou et sa mère, Blandine Ovekotseke, sage-femme de profession, ont perdu la vie dans des circonstances tragiques, lors de la pluie survenue le 30 décembre 2022 à Brazzaville. Deux morts qui ont ému l'opinion publique à travers la capitale et au-delà par leur caractère inopiné et par l'héroïsme du jeune homme qui a voulu au prix de sa vie sauver celle de sa mère.

 

Malgré l'aspect tragique des deux décès, l'heure ne semblait pas être au recueillement le jour de l'enterrement des disparus, le 11 janvier dernier, à la morgue municipale du Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville, où des collègues de service ont choisi de faire leurs adieux d'une manière quelque peu spectaculaire.

La vidéo de l’enterrement qui circule sur la toile montre des sages-femmes se trémoussant comme des danseuses de « Mutuashi », allant jusqu’à s’agripper aux voitures chargées de transporter les corps sans vie.  

Ces dames n'ont pas fait montre de leurs cris de douleur mais plutôt de leurs jeux de reins. Au lieu de la levée des corps, les personnes au loin ont eu l'impression d'assister à un heureux événement. Drôle de façon de montrer sa douleur et d'accompagner les défunts, au regard des circonstances de leur mort. Mais au Congo, rien d'étonnant.  Depuis quelques années, le phénomène s'accentue. Les  comportements déviants et immoraux observés lors des veillées mortuaires et d'autres occasions sont devenus monnaie courante.

Le deuil a perdu son sens traditionnel

Les cérémonies de funérailles au Congo revêtent presque un aspect festif au fil du temps. Les attitudes face à la mort se modifient, certains rites disparaissent au profit de funérailles ostentatoires.  Outre les danses qualifiées d’indécentes, la mode est également dans les réseaux sociaux. Lors des enterrements, les vidéos, photos des défunts dans leurs cercueils et de leurs tombes sont postées en direct.

Par ailleurs, on observe aussi pendant des veillées mortuaires à Brazzaville des scènes d'intimidation et des bagarres entre la famille du défunt et ses amis. Ces derniers accusent souvent certains membres de la famille d'être les auteurs de la mort du défunt. Pour montrer leur mécontentement, certaines femmes, amies du défunt, vont jusqu'à exposer leur nudité et les hommes, eux, jouent au gros bras. Les dérapages sont si souvent observés que certaines familles font appel à la police pour maintenir l'ordre.

Autre habitude, la consommation d'alcool.  Désormais, lors des veillées mortuaires à Brazzaville, les amis et connaissances ne viennent plus seulement pour partager la douleur avec la personne éprouvée mais également une bouteille de bière, comme si l'occasion en était propice. A présent, il est de coutume que lorsqu'un ami vient t'assister, il faut lui offrir une bière au lieu même où la veillée se tient. L'assistance se conjugue ainsi, au rythme des bouteilles entassées sous les chaises des visiteurs, en attendant le jour de l'enterrement, où le rendez-vous final se donne avec enthousiasme dans une buvette ou un bar.

Aujourd'hui, ne pas consommer d'alcool comme marque de respect pour la mémoire du défunt n'est qu'une affaire de fils, fille, mari, femme ou membres de famille très proches du défunt. Quant au reste, qui viennent « soit-disant » soutenir la famille dans cette rude épreuve, le café n'est plus qu'un lointain souvenir. 

Souvent, le jour de l'enterrement, la personne éprouvée se retrouve en compagnie des gens dont elle n'a pas connaissance. L'aide financière reçue, en signe de soutien, est ainsi dilapidée dans les débits de boisson avec des amis. On se demande s'ils viennent partager la douleur ou un verre.

Durly Emilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

Les obsèques de Papa Wemba à Kinshasa/DR

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