Washington–Pretoria : l’exclusion du G20, un choc diplomatique qui redessine les rapports de force du Sud global

Vendredi 28 Novembre 2025 - 11:30

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La décision du président américain d’écarter l’Afrique du Sud du G20 2026 dépasse la provocation : elle recompose le jeu géopolitique mondial et révèle une bataille d’influence structurelle entre les États-Unis et les puissances émergentes.

La décision annoncée par Donald Trump d’exclure l’Afrique du Sud du sommet du G20 prévu en décembre 2026 à Miami marque un tournant majeur dans la géopolitique du Sud global. Pretoria, seule représentante africaine du forum des vingt premières économies mondiales, est officiellement membre « de droit ». L’exclure unilatéralement revient non seulement à rompre avec les règles de gouvernance du G20, mais également à envoyer un signal politique clair : Washington entend redéfinir les lignes rouges avec les puissances émergentes qui contestent son leadership. La justification avancée par Donald Trump - une prétendue persécution meurtrière des fermiers blancs – est dénoncée par Pretoria comme relevant de la « désinformation ». Plusieurs collectifs d’intellectuels afrikaners ont eux-mêmes rejeté la thèse d’un « génocide blanc », dénonçant une instrumentalisation politique américaine. Mais au-delà du narratif identitaire, l’enjeu est profondément géoéconomique.

Une riposte américaine à l’affirmation stratégique sud-africaine

L’Afrique du Sud s’est récemment affirmée comme l’un des pivots diplomatiques du Sud global : leadership au sein des BRICS+, plaidoyer pour une gouvernance multilatérale rééquilibrée, rapprochement économique avec la Chine, l'Inde et la Russie. La plainte déposée en 2023 par Pretoria devant la Cour internationale de justice contre Israël pour « génocide » à Gaza a renforcé son positionnement autonome. Aux yeux de Washington, cette trajectoire constitue un défi. L’exclusion du G20 intervient alors que Donald Trump a imposé des droits de douane de 30 % sur les produits sud-africains - les plus élevés contre un pays subsaharien - et suspendu plusieurs programmes d'aide. Il s’agit d’un recours assumé aux outils d’intelligence économique et de pression commerciale.

Un affront symbolique, un risque systémique

Le fait que le sommet de 2026 se tienne dans un complexe de golf appartenant à la famille Trump ajoute une dimension personnelle à une décision déjà explosive. En refusant initialement de transmettre la présidence du G20 aux États-Unis – geste diplomatique habituel – Cyril Ramaphosa a exprimé son désaccord avec ce qui apparaît comme une tentative américaine de remodeler l’architecture multilatérale selon ses intérêts. Une exclusion effective affaiblirait la légitimité du G20, mettrait en cause la place du continent africain dans la gouvernance mondiale et renforcerait l'argumentaire des BRICS selon lequel l'Occident ne respecte pas l’égalité souveraine.

Le Sud global observe, l’Afrique se repositionne

Dans un contexte de compétition systémique - États-Unis vs. Chine, fragmentation du commerce mondial, tensions énergétiques - l’Afrique du Sud devient un terrain symbolique de la bataille pour le leadership moral et économique du Sud global. Exclure Pretoria revient à affaiblir un porte-voix clé de l'Afrique, alors même que le continent deviendra en 2050 le principal moteur démographique de la planète. La réaction de Pretoria est claire : « un pays souverain, constitutionnel et démocratique ». Mais la crise ouvre une question plus large : qui décide encore de l’ordre mondial ? Et surtout : l’Afrique peut-elle continuer à dépendre d’une architecture multilatérale qui ne la considère pas comme un acteur stratégique à part entière ?

Dans cette confrontation, plus qu’un incident diplomatique, se joue l’avenir de la représentation africaine dans les grands forums globaux - et peut-être l’émergence d’un nouveau narratif géopolitique où le Sud refuse désormais d’être relégué au second plan.

Noël Ndong

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