![]() Passeport Gate congolais : des ONG et 51 victimes saisissent la justice belgeMercredi 13 Mai 2020 - 17:27 Soulignant la gravité des suspicions autour du contrat entre la société de Semlex et le gouvernement congolais, ces organisations pensent qu’il est important de mettre fin à cette impression d’impunité et de pousser le dossier jusqu’au bout.
La Fédération internationale pour les droits humains (Fidh), la Ligue des droits humains (Ldh-Belgique) et le Réseau panafricain de lutte contre la corruption (UNIS) se sont constituées, le 8 mai 2020, parties civiles dans l’enquête pénale que la Belgique mène depuis 2017 dans le cadre de l’« affaire Semlex ». Dans un communiqué conjoint publié le 13 mai par ces trois organisations, celles-ci ont relevé que cinquante et une victimes congolaises se sont également constituées partie civile dans le cadre de la campagne « Le Congo n’est pas à vendre ». A en croire cette source, la société belge « Semlex » est, en effet, sous enquête pour le contrat conclu avec la République démocratique du Congo (RDC) pour la fabrication de passeports biométriques. Selon l’agence de presse Reuters, citée dans ce communiqué, l’enquête porterait sur des soupçons de corruption et de blanchiment d’argent. Ce communiqué note également que depuis le 10 janvier 2019, les organisations non-gouvernementales peuvent désormais déposer plainte en Belgique dans des affaires qui ont trait à la violation des droits humains. « Par le dépôt de ces plaintes pénales avec l’appui d’ONG, les victimes congolaises deviennent enfin actrices de ce dossier emblématique. Elles pourront demander un accès au dossier et solliciter des devoirs d’enquêtes complémentaires. Loin d’avoir une simple portée symbolique, il s’agit d’une vraie plus-value, pouvant permettre d’aboutir enfin à la condamnation d’une entreprise suspectée d’offrir des pots de vin pour obtenir de juteux contrats, au détriment des citoyens congolais », a expliqué le vice-président de la FIDH, Paul Nsapu, cité également dans ce communiqué. Une majoration inexpliquée L’agence de presse Reuters, citée par la source, indique que Semlex avait négocié le contrat pour les passeports avec l’ex-président Kabila et certains de ses plus proches collaborateurs en 2014-2015. A l’en croire, lors des négociations à Dubaï et à Kinshasa, le prix unitaire du passeport était passé de 21,5 à 185 dollars américains (USD). « Selon les contrats auxquels ont pu accéder nos organisations, pour chaque passeport acheté, 60 USD doivent être reversés à une société écran, LRPS, enregistrée dans les Emirats Arabes Unis », ont fait savoir ces ONG. Citant encore une fois Reuters, elles ont affirmé que LRPS appartiendrait à Makie Wangoi Makolo, membre de l’ancienne famille présidentielle. Pour ces organisations, depuis l’entrée en vigueur du contrat entre Semlex et le gouvernement congolais, cette société écran pourrait avoir perçu plus de 35 millions USD. « Nous espérons que la justice belge pourra lever le voile sur ces 60 USD alloués à une société écran aux propriétaires réels suspects », note le lanceur d’alerte et cofondateur d'Unis, une organisation spécialisée dans la lutte contre la corruption, Jean Jacques Lumumba. Le montant de 60 USD, fait-il savoir, correspond au salaire moyen d’un fonctionnaire congolais. Cet argent aurait dû rester dans la poche des acheteurs de passeports. De son côté, la justice belge a ouvert une enquête en 2017 et fait une perquisition au bureau de Semlex en janvier 2018. Depuis lors, regrettent ces ONG, aucune nouvelle n’a été communiquée par le Parquet fédéral sur la progression de l’enquête. Ces organisations soulignent également que, de manière plus générale, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU a observé, en mars de cette année, qu’il manque en Belgique « un système de plainte efficace (...) pour les victimes de violations de droits humains commises par les entreprises ». De même, l’Organisation de coopération et de développement économique s’inquiète, depuis des années, du manque flagrant de ressources allouées par la Belgique au système judiciaire pour le traitement de dossiers liés à la corruption d’agents publics étrangers. Ainsi, fait remarquer la présidente de la Ligue des droits humains (Belgique), Olivia Venet, « si les pratiques de corruption à l’étranger sont punissables selon la loi belge depuis plus d’une décennie, aucune entreprise belge ne s’est vu condamner à notre connaissance jusqu’à ce jour » Vue la gravité des suspicions autour du contrat de Semlex, conseille-t-elle, il est important de mettre fin à cette impression d’impunité et de pousser le dossier jusqu’au bout. Lucien Dianzenza Notification:Non |