Interview. Michel Mutahali : « Nous avons réfléchi à ce qu’il serait possible de faire pour tout le monde »

Mercredi 22 Juillet 2020 - 13:44

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Happy People, maison de production de musique chrétienne réputée à Kinshasa et au-delà des frontières de la RDC, a trouvé une astuce pour pallier son incapacité à accéder aux trop nombreuses demandes de productions des artistes. Dans cet entretien exclusif avec Le Courrier de Kinshasa, son manager général explique la politique de travail de son record label. Il a également évoqué la possibilité qu’offre la technologie de lancer sa carrière musicale sans producteur, sujet abordé lors du second Africa Music Forum tenu l’an dernier à Kinshasa.

Michel Mutahali (Adiac)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Comment devrait-on vous présenter à nos lecteurs ?

Michel Mutahali  : Mon nom est Michel Mutahali. Je suis le responsable de la structure Happy people, une maison de production ou record label. Focalisé sur la musique à caractère gospel, nous procédons à ce titre à de la production scénique, la promotion, le marketing et le management.

L.C.K. : Pourriez-vous nous parler de votre participation à la seconde édition de l’African Music Forum (AMF) où Happy People a été présenté à un large public ?

M.M.  L’AMF m’a contacté pour tenir une keynote à propos de «Comment lancer sa carrière sans producteur ». L’idée derrière le développement de ce sujet était d’expliquer aux artistes les prérequis avant de se lancer dans une carrière. En fait, nous recevons beaucoup de demandes de production de la part d’artistes. Mais, en réalité, la plupart ne savent pas qu’il existe des prérequis. Aujourd’hui la technologie a tellement évolué que l’on n’a pas réellement besoin d’un producteur, mais plutôt d’une équipe managériale autour de soi qui permette de monter son niveau de professionnalisme en sorte que, par la suite, le travail accompli puisse intéresser des producteurs. Et non pas faire la démarche inverse en commençant par chercher un producteur sans avoir au préalable structuré son fonctionnement.

L.C.K. : De quelle manière Happy People assure-t-il l’accompagnement des artistes ?

M.M.  : Tous les six mois nous tenons une conférence à Kinshasa, nous l’avons tenue aussi à Cotonou il y a un mois sur le même sujet que celui abordé lors de l’AMF. C’était notre fardeau parce que, via les réseaux sociaux, nous recevons dix à vingt demandes de production tous les jours. En tant que record label nous produisons des artistes, notamment Dena Mwana et El Georges, nous avons signé avec Rachel Anyeme. Certainement qu’à cet effet, plusieurs voient le travail que nous abattons et de manière innocente, nous envoient des messages où ils demandent aussi à être produits. Nous nous sommes rendu compte, malgré toute notre bonne volonté, qu’il est impossible de produire tout le monde. C’est alors que nous avons réfléchi à ce qu’il serait possible de faire pour tout le monde qui ne serait pas onéreux et qui pourrait aider certaines personnes à trouver des solutions à leurs problèmes. C’est ainsi que de fil en aiguille, nous avons mis en place des formations où sont expliqués les prérequis qui les outilleront pour le moment où ils aborderont un producteur ou voudront faire de la musique.

L’essentiel pour connaître comment l’industrie de la musique fonctionne, qui en sont les acteurs, quel est l’écosystème autour. Pour la plupart des gens, le mot musique évoque juste le fait de chanter. Bon nombre d’entre ceux qui nous écrivent, nous demandent de les produire veulent chanter. Cependant, l’industrie de la musique a besoin des gens qui connaissent la musique, savent chanter mais font aussi d’autres choses. Dans la cartographie de la musique en Afrique centrale, il y a énormément d’artistes mais quasiment pas de managers ni de promoteurs d’événements ni de tourneurs. Pourtant, plusieurs de ceux qui ont des talents au niveau du chant ont également des skills, compétences managériales. Nous avons à l’idée de rééquilibrer un peu cette tendance. Faire comprendre aux artistes que, quoiqu’ils soient censés chanter devant un micro, ils peuvent tout aussi s’engager à répondre à la forte demande de managers d’aujourd’hui. Il existe des cas de figure dans l’histoire de la musique où de grands chanteurs ont réalisé que la meilleure manière d’impacter cette industrie serait de passer de l’autre côté du micro. Avec la somme des connaissances accumulées dans la pratique musicale, se mettre à encadrer d’autres artistes quitte à user de son carnet d’adresse. Ce qui du reste est financièrement encore plus rentable car une carrière musicale a une limite dans le temps alors que le management c’est pour la vie.Rachel Anyeme, Dena Mwana et El Georges, trois artistes produits par Happy People (DR)

L.C.K. : De manière concrète, dans quelle mesure Happy People apporte-t-il son appui aux artistes avec qui il signe ?

M.M.  : Dans le type de contrat que nous signons, nous assurons le management, nous créons des événements autour des artistes, nous en cherchons et nous proposons leur participation. Nous faisons de la promotion. Nous avons créé notre écosystème avec des canaux de communication où nous pouvons toucher un million de personnes sur les réseaux sociaux. Nous produisons nos propres émissions télé et radio, nous avons nos chaînes YouTube. Nous avions voulu placer des garde-fous dès le départ. Nous avons des contrats avec des chaînes internationales avec lesquelles nous collaborons mais nous avons créé un écosystème de sorte que lorsque nous manageons un artiste, il soit dans un environnement qui mette en avant son travail.

L.C.K. : Que faut-il à un artiste pour être éligible à la production de Happy People  ?

M.M.  : Pour contourner la difficulté que pourrait avoir les artistes à nous attirer, nous avons mis en place ces formations pendant lesquelles nous donnons l’occasion à plusieurs artistes de nous proposer des sons. Nous les écoutons et soumettons certains extraits de sons au vote de nos followers sur les plateformes. Celui qui obtient le plus de voix et dont la musique s’approche le plus de notre vision parviennent à se faire produire. Nous avons tiré trois artistes lors de la première édition de formation, les singles de deux d’entre eux sortiront en octobre. Il s’ensuivra une promotion avec clips à la clé et tout le reste. C’est notre manière d’aider tant soit peu les artistes. Nous pensons que c’est efficace de former cent personnes et d’en produire deux ou trois avec la certitude que les quatre-vingt-dix-sept autres trouveront des débouchés. Même si nous donnons l’opportunité à deux ou trois seulement de se dégager du lot, mais au moins nous offrons les connaissances de base à tout le monde. Car nous ne pouvons pas produire cent artistes.Les dernières productions de Happy People (DR)

L.C.K. : Qu’est-ce qui distingue Happy People comme record label qui a fait le choix d’œuvrer exclusivement dans l’univers du gospel ? 

M.M.  : La seule grosse différence qui existe entre la musique de la sphère gospel et le séculier est au niveau du message et des attitudes. Deux objectifs se dégagent dans le gospel, le premier est l’évangélisation et le second est que l’artiste vive de son talent. Pour ce qui est du reste, tout ce qui tourne autour de la pratique musicale, à savoir les types de studios, les plateformes de diffusion, les réalisateurs de clips, ce sont les mêmes qui servent pour les deux sphères. L’écosystème est le même mais ce sont les fruits qui nous distinguent. Que personne ne vous trompe, il n’y a pas un ingénieur saint et un autre moins saint, un studio sanctifié, etc. Ce n’est pas cela la relation avec Dieu. Dans notre optique, nous tenons à offrir les conditions optimales que l’on trouve partout ailleurs tout en se concentrant sur le message, le type de message que l’artiste transmet. C’est sur ce front-là que nous canalisons notre choix musical.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Michel Mutahali (Adiac) Photo 2 : Rachel Anyeme, Dena Mwana et El Georges, trois artistes produits par Happy People (DR) Photo 3 : Les dernières productions de Happy People (DR)

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