Littérature : les romans africains de la rentrée 2018

Vendredi 24 Août 2018 - 20:23

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Partons à la rencontre de deux auteurs qui publient, en ce mois d’août, deux oeuvres dont on entendra forcément parler lors de cette rentrée littéraire riche en ouvrages.

In Koli Jean Bofane publie « La belle de Casa » chez Actes Sud

Le Congolais In Koli Jean Bofane rempile pour la troisième fois chez son fidèle éditeur avec un nouveau roman truculent intitulé "La belle de Casa", qui nous plonge dans une intrigue policière.

En effet, Ichrak est retrouvée morte au petit matin par son ami Sese Tshimanga. La plus belle fille du quartier de Cuba, à Casablanca, ne fera plus tourner les têtes de tous les mâles du coin.

Le commissaire Mokhtar Daoudi ouvre une enquête mais n’ira pas très loin dans ses investigations. Résoudre le meurtre d’une fille, soit disant aguicheuse, vivant avec sa mère, folle, ne fera pas avancer sa carrière de policier.

L’auteur nous dresse un portrait haut en couleur des habitants des quartiers Cuba et Derb Taliane, à Casablanca. Ce roman fourmille de gens plus ou moins honnêtes dans la vie que sait nous faire découvrir l’auteur grâce à ses talents de conteur hors pair, son sens du dialogue et un humour caustique. Le personnage qui va servir de fil rouge dans ce roman est bien sûr Ichrak. Elle est révoltée par la concupiscence des hommes. Elle ne supporte plus ces regards appuyés du fait de sa belle silhouette. Elle veut être respectée dans ce monde machiste.
L’absence du père, dès sa naissance, la hante. Est-ce qu’il habite le quartier Casablanca ou était-il un étranger de passage ?
Ichrak vit avec sa mère, Zahira. A l’âge de sa fille, elle aussi, était considérée comme la plus belle fille du quartier. Elle a un don pour prédire l’avenir. Beaucoup de personnes viennent la voir. Et puis, on fait la connaissance de Sese Tshimanga. Venu du Congo pour immigrer en France ou en Belgique, son passeur l’a largué au large du Maroc, en plein océan Atlantique.

Dans ce livre, l’auteur développe certains thèmes : la corruption immobilière, la concupiscence masculine, la précarité des migrants. Il situe son histoire à Casablanca mais, au fond, ces thèmes sont universels.

In Koli Jean Bofane est né en 1954 à Mbandaka, en République démocratique du Congo, et vit à Bruxelles. Il a publié ses deux précédents romans chez Actes Sud : " Mathématiques congolaises" (2008, prix Jean-Muno, prix de la SCAM, grand prix littéraire d’Afrique noire de l’Adelf; Babel n° 1054) et " Congo Inc., le testament de Bismarck" (2014, prix des cinq continents de la Francophonie, prix coup de cœur Transfuge/MEET, grand prix du roman métis, prix littéraire des bibliothèques de la Ville de Bruxelles, prix de l’Algue d’or ; Babel n° 1364).

 "Frère d’âme"  de David Diop aux éditions du Seuil

Dans son court roman publié aux éditions du Seuil, l’universitaire David Diop nous livre le récit d’un soldat sénégalais combattant pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale. Outre les évidentes cruautés de cette boucherie relatées par l’auteur, il nous livre plus implicitement la crise identitaire d’un soldat sévèrement touché par la perte d’un ami, au point d’en devenir terrifiant.
Une crise identitaire causée par la guerre. Il est évident que dans ce genre de roman, l’auteur raconte les horreurs de la guerre. Et fort heureusement, il ne s’est pas arrêté là. David Diop nous relate l’histoire d’un personnage qui change brusquement à l’avènement de la mort de son camarade, si proche de lui. Désormais, il pense et devient même solitaire. Ce personnage effrayant qu’est Alfa Ndiaye, un homme changé par les horreurs de la guerre, est plaisant à découvrir, au point où l’on devrait avoir honte de prendre du plaisir à savourer l’histoire et les actes d'un homme malmené par la guerre, un homme qui devient dérangé mentalement. On entrevoit donc au coeur du récit une crise de l’identité, un aspect assez original et très présent.

A la manière d’un griot, Alfa raconte son enfance sénégalaise, confie le traumatisme de la guerre, l’horreur de la mitraille et des obus qui tombent, parle d’amour aussi alors que lui, le « sorcier-soldat » ne respire plus que l’odeur de la mort.

L’auteur donne du rythme à son roman, en psalmodies, en phrases répétées presque comme des mantras, entraînant la lecture page après page dans une histoire touchante et douloureuse.

Né à Paris en 1966, David Diop a grandi au Sénégal. Il est actuellement maître de conférences à l’université de Pau.

 

Boris Kharl Ebaka

Légendes et crédits photo : 

Photos:Couvertures des ouvrages

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