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À propos du cri d’alarme de l’Union africaine

Lundi 30 Juin 2014 - 3:52

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Nul ne pourra nier à l’avenir que les Africains ont tiré à temps la sonnette d’alarme et prévenu la communauté internationale des conséquences tragiques que sa lenteur à se mouvoir pour les aider dans leur lutte contre la misère et la violence que celle-ci engendre ne pouvaient manquer d’avoir. Depuis fort longtemps, en effet, des voix autorisées s’élèvent sur le continent pour dénoncer l’apathie des institutions internationales sans jamais être entendues. Cela parce que, d’une part, les grandes puissances ne s’occupent véritablement que de leurs intérêts égoïstes et parce que, d’autre part, la pesanteur interne de l’Organisation des Nations unies paralyse toutes ses initiatives.

Que ceux qui doutent de la justesse de ce diagnostic considèrent l’incurie des seize mille Casques bleus déployés depuis dix ans dans l’est de la République démocratique du Congo, les conséquences désastreuses de l’assassinat du « guide » libyen, Mouammar Kadhafi, avec l’aide des puissances occidentales en Libye, l’incroyable lenteur avec laquelle se met en place le dispositif militaire onusien sensé ramener la paix en Centrafrique. Sans parler, bien sûr, des crises sans fin qui déstabilisent la Corne de l’Afrique et de celles qui gagnent maintenant la zone sahélo-saharienne.

La retenue diplomatique aidant, le sommet de l’Union africaine qui vient de se tenir à Malabo (Guinée équatoriale) n’a pas énoncé ces terribles vérités avec la brutalité qui convient. Mais pour qui sait lire entre les lignes et ne s’en tient pas aux formules courtoises des discours officiels, il ne fait aucun doute qu’une forme de « ras-le-bol » gagne actuellement les plus hautes autorités des pays qui composent l’UA. Un ras-le-bol qui pourrait se traduire très vite, plus vite en tout cas qu’on ne le pense,  par des positions tranchées sur la réforme des institutions de la gouvernance mondiale, sur la remise en question des bénéfices que les compagnies internationales tirent de l’exploitation des gisements de matières premières africains, sur la participation accrue des pays riches aux opérations de protection de l’environnement menées par les Africains en Afrique, sur un partage plus équilibré des aides de la communauté internationale, sur l’appui qui devrait être apporté par la communauté des nations à la mise en place d’un mécanisme efficace de prévention et de gestion des crises sur le continent.

Depuis longtemps, des pays comme le Congo énoncent ces évidences par la voix de leurs plus hautes autorités sans être entendus, ou plus exactement sans que leurs propositions soient retenues. Mais l’aggravation de la situation dans plusieurs régions de l’Afrique et surtout le danger extrême que cette dégradation fait courir aux pays riches de l’hémisphère nord – voyez l’aggravation de l’immigration sauvage, le développement irrésistible des trafics en tous genres dans les zones de non-droit, la poussée des extrémismes religieux, la remise en question des frontières ici et là, l’inexorable montée du terrorisme – sont tels que la communauté internationale va devoir les prendre en compte.

Questions essentielles dans ce contexte : l’Afrique sait-elle précisément ce qu’elle veut ? Est-elle capable de définir autrement qu’en paroles le processus, donc les institutions et les mécanismes, qui lui permettraient de lutter efficacement contre les dérives qui menacent sa stabilité ? Est-elle prête à faire pression sur ses partenaires pour que ceux-ci contribuent à sa sécurité et, du même coup, se sécurisent eux-mêmes ?

Le sommet Afrique-États-Unis qui se tiendra à Washington dans quelques semaines permettra certainement d’en juger. Mais, en attendant, qu’il soit permis aux modestes observateurs que nous sommes d’insister sur le fait que rien de concret ne sortira de cette rencontre si les pays africains ne s’entendent pas pour parler d’une même voix et dire sans fioriture aux Américains ce qui les attend s’ils continuent à nier la réalité.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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