Opinion

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Accablant !

Mercredi 26 Février 2014 - 0:21

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Mieux vaut tard que jamais ! En ce mois de février 2014, cent neuf ans donc après la mort de l’explorateur, voici que sort des ténèbres où il avait été enfermé parce que jugé trop explosif le rapport que Pierre Savorgnan de Brazza rédigea à l’issue de la mission d’enquête effectuée au Congo du mois de mars au mois d’août 1905. Un rapport accablant pour les compagnies concessionnaires qui avaient entrepris de mettre notre pays en coupe réglée, accablant en raison des détails atroces qu’il contenait sur les pratiques de ces groupes sans foi ni loi, accablant pour l’État français qui avait laissé se commettre l’innommable et qui choisit d’en enterrer la relation tant était désastreuse l’image qu’il donnait de la colonisation.

On ne saura sans doute jamais si Pierre Savorgnan de Brazza fut assassiné avant son retour en France comme le pensait son épouse, Thérèse de Chambrun. Mais les faits qu’il relate dans ce long rapport sont si précis, si graves, si horribles, si inhumains, si honteux que l’on peut effectivement penser que tout fut mis en œuvre pour empêcher son auteur de revenir en France en l’empoisonnant pour qu’il meure à Dakar avant qu’il dénonce publiquement ces pratiques odieuses.

Alors qu’une poignée de membres de sa famille – treize sur près de cinquante – intriguent à Paris afin que ses cendres soient rapatriées en France et, chose incroyable, confient cette démarche indigne au descendant d’une famille qui commit en Indochine de semblables turpitudes, la publication de ce rapport vient à point nommé dire enfin la vérité. Si la France a choisi de lever aujourd’hui le voile sur cette page peu glorieuse de son histoire, et même si elle le fait de la façon la plus discrète possible – un gros livre de format poche, à la couverture rouge peu attrayante, édité par un éditeur peu connu, Le Passager clandestin –, il n’en reste pas moins que quelque chose bouge enfin dans la vision qu’elle projetait jusqu’à présent de son aventure africaine.

Il n’est évidemment pas question d’exiger d’elle, aujourd’hui, la réparation des crimes qui furent commis en son nom sur notre continent. Il l’est, en revanche, de lui demander de participer plus activement qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent à l’émergence des pays qui lui permirent de s’affirmer sur la scène mondiale comme une puissance de premier ordre. Il l’est, plus encore, de l’amener à reconnaître publiquement la grandeur de l’homme qui incarna l’humanisme dont elle a fait l’une de ses valeurs nationales et d’aider le Congo où il vit désormais son éternité à perpétuer son souvenir.

L’Histoire, la grande Histoire, ne lui pardonnerait certainement pas d’oublier les devoirs que lui impose ce passé.

Les Dépêches de Brazzaville

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