Afrique : des manifestations contre la nouvelle caricature de Charlie Hebdo font plusieurs morts

Lundi 19 Janvier 2015 - 10:15

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Des milliers de personnes ont manifesté au Sénégal, Soudan, Mali, Niger, Mauritanie, Algérie,  Somalie contre la publication d'une nouvelle caricature de Mahomet par « Charlie Hebdo » qui a provoqué une vague d'indignation. Au moins 10 personnes seraient mortes. Le drapeau français a  d'ailleurs été brûlé dans plusieurs capitales africaines.

La communauté musulmane du monde et africaine a condamné la nouvelle publication  qu'elle a considérée comme des « caricatures blasphématoires ».

Dix personnes seraient mortes et une centaine de blessées, les 16 et le 17 janvier à Zinder et à Niamey (Niger), dans des manifestations contre le dernier numéro de « Charlie Hebdo ». Le Centre culturel français de Zinder a été incendié, et plusieurs églises ont été saccagées. Les grands partis islamistes du pays avaient appelé à des manifestations nationales pour dénoncer la nouvelle caricature du journal français.

Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, l'un des chefs d'Etat africain présent à la marche républicaine du 11 janvier à Paris ( après l'attaque terroriste), a fustigé ceux-là qui « n'ont rien compris à l'islam. Savent-ils qu'en se comportant de la sorte, ils incitent les populations des pays où les musulmans sont minoritaires à profaner et à détruire les mosquées ? ».

À Nouakchott (Mauritanie) et à Dakar (Sénégal), plusieurs milliers de personnes ont défilé, brûlant le drapeau français. Le président mauritanien Mohamed Ould Aziz, a quant à lui condamné à la fois « le terrorisme et les viles caricatures ». « La liberté de blasphémer tue la liberté d'expression », pouvait-on lire sur des pancartes à Dakar. À Alger (Algérie), des affrontements ont éclaté quand des manifestants ont tenté de forcer un cordon de policiers qui protégeaient le Parlement.

Dans la capitale tunisienne, Tunis, des fidèles ont quitté la mosquée El Fath, marquant leur désaccord avec l'Imam. Climat délétère également à Khartoum (Soudan) où des manifestants ont réclamé des excuses de la France. Et à Paris, une manifestation appelant à mettre les « islamistes hors de France », prévue le 18 janvier, a été interdite par la préfecture de police. « La France condamne le recours à la violence aujourd'hui à Niamey, hier à Zinder » et a exprimé « sa solidarité avec les autorités du Niger », dans un communiqué.

« Je suis Charlie Hebdo », « « Je suis Africain »

Ayant constaté une « vague avec amertume la vague de contestation qui a eu lieu à Paris et ayant mobilisé plus de 50 Chefs d’Etats dont six présidents Africains (Macky Sall, Yayi Boni, Faure Gnassingbé, Ibrahim Boubacar Keita, Mahamadou Issoufou et Ali Bongo) », la plateforme africaine pour le développement et les droits humains (Pladh) appelle toutes les associations africaines, la société civile et les défenseurs des droits humains à un grand rassemblement le 24 janvier à Dakar, et dans les autres capitales africains pour dire « Je suis Africain », « Je suis Nigérian », « Je suis Camerounais », « Je suis kenyan »…, peut-on lire dans un communiqué.

Pendant que l'hebdomadaire français « Charlie Hebdo » était frappé par des terroristes, l'Afrique était à son tour frappé par le groupe terroriste Boko Haram, une tuerie qui aurait fait plus de 2 000 morts, 16 villages rasés, dans le silence de la communauté internationale. « Les morts de «Charlie Hebdo» ne sont pas plus importants que ceux de l’Afrique ramassés par dizaine ou par centaine au nord Mali, au Nigeria, en Centrafrique, au Soudan, au Kenya, entre autres », poursuit le communiqué.

François Hollande : « les musulmans sont les premières victimes de l'islamisme radical  dans le monde »

Le Président français François Hollande a rappelé, le 15 janvier, à l'Institut du monde arabe (IMA) que les musulmans sont « les premières victimes de l'islamisme radical dans le monde ». Il a indiqué que les Français de confession musulmane doivent être protégés, considérant que « l'islam est compatible avec la démocratie ».

Il s'est ensuite adressé aux peuples arabes en leur disant que «  la France est un pays ami, mais qui a des règles, des principes, des valeurs, et parmi les valeurs il y'en a un qui n'est pas négociable, qui ne le sera jamais, c'est la liberté, la démocratie, [espérant] que les liens tissés dans les siècles passés et confortés par les échanges soient plus forts, et que les menaces [nourries par les extrémistes] ne peuvent pas nous séparer ». « Nos sorts sont scellés », avait-il avancé justifiant « agir avec force » au Mali,au Sahel ou en Irak pour porter un coup d'arrêt Daesh.

La France compte 2142 mosquées et lieux de cultes musulmans et 51 écoles, collèges et lycées musulmans. Tous ces  endroits bénéficieront de la protection militaire et policière.

Noyés dans une légitime émotion, et plongés dans l'immédiateté, les responsables politiques occidentaux ne se sont pas interrogés sur la perception des Africains des tueries de Charlie Hebdo et n'ont pas tenu compte de l'importance de la place  sacré chez les Africains, détenteurs de l'islam le plus modéré du monde. Ce qui fait dire que l'universalisme de la liberté devrait tenir compte des cultures, socle sur lequel s'appuie la liberté et la démocratie.

 

Noël Ndong