Chorégraphie : la danse réclame considération et liberté pour l’être humain

Mercredi 2 Avril 2014 - 17:25

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Le sujet est au centre de la pièce Être, la dernière création de Bua wewa Compagnie présentée en grande première en marge de la célébration de la Journée internationale de la femme, le 29 mars, au Centre culturel M’Eko.

Un extrait de la scène d’enchainement marquant les vingt-cinq premières minutes du spectacleIl ne pouvait avoir de tableau plus expressif de la douleur que celui offert par les vingt-cinq premières minutes d’Être. L’on pouvait alors imaginer, au travers de l’effort physique qu’exigeait la posture inconfortable de la chorégraphe, une somme d’affliction d’ailleurs rendue par sa mine contrite.

Suspendue à des chaînes pendant plus de la moitié de la durée du spectacle jambes et bras écartés, la tête effectuant de fréquents balancements penchée tantôt vers la droite tantôt vers la gauche, Lydie Muanji avait l’air pitoyable. Le tableau ne pouvait inspirer que pitié à l’instar de la crucifixion du Christ qu’elle rappelait d’une certaine façon. Les regards avaient du mal à se défaire de ce décor rendu encore plus macabre par la lumière rouge juste au dessus qui rajoutait à l’ambiance sombre avec les ombres qui s’en dégageaient sur le mur. Pourtant, la dame en souffrance n’était pas seule à occuper la scène. Mais très peu d’intérêt pouvait être porté sur le personnage cagoulé décalé sur sa gauche. Assis sans faire le moindre mouvement, il a devant lui une grande feuille de papier rose en rouleau.

Les contorsions douloureuses de la chorégraphe se comprennent mieux par une voix off que l’on devine dans la tourmente. Par moments, le ton haut du discours se mue carrément en cris. Le monologue est l’écho d’une indignation amplifiée par une musique instrumentale de fond qui lui vient en renfort de temps à autre. Le silence n’a donc pas de place à proprement parler dans le décor d’enchaînement et d’emprisonnement mais se fait tranchant les quelques fois où il survient comme un sursaut, le temps que la voix enragée reprenne le dessus.

Danse en duo

La chaîne autour du cou de la chorégraphe jusqu’ici confondue avec celles qui enserrent ses poignets et servent d’appui à ses talons la maintenant dans une bien fâcheuse posture est apparente lorsqu’elle tombe à terre. Là, commencent ses efforts pour se tenir sur ses jambes. C’est à grand peine qu’elle y parvient enfin. Jusqu’ici figé, l’homme cagoulé dont la mise, une chemise blanche et un pantalon noir détonne avec le haut déchiré presqu’en haillons de la dame, la rejoint. En solo d’abord, il esquisse quelques pas, puis petit à petit le duo se met en place et forme un couple. Mais, avec la longue chaîne à son cou qu’elle brandit, la dame se désolidarise.

 Le duo esquissant quelques pas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’instrumental cède la place à Vuluka dilolo, morceau de Tshala Muana qui se traduit par cicatrice en français. C’est alors que l’homme s’emploie à dérouler un à un les trois grandes feuilles de papier rose posés sur la scène à commencer par celle placée à l’extrême gauche. L’on pouvait y lire la version française du refrain de la chanson, à savoir  « Je n’oublierai jamais la cicatrice de ta morsure à mon cou causée par ta jalousie ». Puis à mesure qu’il déroule les deux autres, l’on se rend compte qu’il s’agit du même texte repris en anglais et en lingala. Revenu ensuite vers la femme qu’il aide à se relever tendrement avant d’entamer avec elle une sorte de parade amoureuse qui s’achève sur un geste salvateur. Il ramasse une clé sur le pavé et ouvre le cadenas de la chaîne qui enserre le cou de sa compagne. Avec les quelques pas esquissés ensemble a pris fin la pièce de danse dont le récit s’est déroulé en quarante minutes.

Le dévoilement du texte de la chanson Vuluka diloloAuteur de la pièce et des textes qui la ponctuait, la chorégraphe Lydie Muanji a dit vouloir exprimer son indignation au travers de son duo avec Yves Aundu. Le monologue rendu par la comédienne Annie Biasi-Biasi portait sur une réclamation pour la considération de l’« Homme » entendu comme l’« Être » féminin et masculin. Tous deux, a-t-elle dit sont dignes de mêmes égards dans un monde qui n’est pas toujours clément pour l’un ou l’autre. Lla douleur, expression dominante du spectacle peut donc être éprouvée par chacun indifféremment. Tout autant que la femme, l’homme a droit à la considération.

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Un extrait de la scène d’enchainement marquant les vingt-cinq premières minutes du spectacle Photo 2 : Le duo esquissant quelques pas Photo 3 : Le dévoilement du texte de la chanson Vuluka dilolo