Chrétiens d’Irak : la diplomatie vaticane passe à l’attaque

Mercredi 13 Août 2014 - 20:57

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Le sort des chrétiens persécutés en Irak fait mouvoir les instances du Saint-Siège sur plusieurs fronts pour que les exactions s'arrêtent

Le pape François ne se contente plus de rappeler qu’on ne peut pas exercer de haine au nom de Dieu ; que la situation infligée aux chrétiens d’Irak est intolérable. Il prend désormais sa plume pour interpeler les consciences du monde ; il prend son bâton de pèlerin pour faire entendre sa voix partout où se décide, ces jours-ci, le sort des chrétiens et des minorités. C’est que la vue des images des centaines de chrétiens chassés de leurs terres bibliques de la vallée de Ninive, en Irak, est plus que ne peut supporter le chef de l’Église catholique.

Son envoyé « personnel » auprès des chrétiens irakiens, le cardinal italien Fernando Filoni, est arrivé mercredi à Erbil, capitale du Kurdistan irakien où des milliers de chrétiens ont trouvé un peu de répit. Le cardinal, qui a transité par la Jordanie, doit se concerter avec ce qui reste de hiérarchie de l’Eglise chaldéenne (catholiques d’Irak) que dirige notamment le patriarche de Babylone, Mgr Louis Sako. Il n’est pas exclu que cela soit aussi l’occasion de remettre officiellement aux chrétiens l’aide que le pape leur destine, pour les réconforter dans leur désespoir.

Parallèlement, le pape a écrit au secrétaire général des Nations-Unies Ban ki-moon mardi, pour lui rappeler qu’il est urgent d’ « intervenir pour mettre fin à la tragédie humanitaire en cours » en Irak. Le pape demande que  les différents organes de l’ONU continuent « leurs efforts conformément à la Charte des Nations unies ». Et ainsi qu’il l’a affirmé à maintes reprises ces derniers jours, il estime qu’au nord de l’Irak se joue le sort de toute l’humanité, pas seulement celui des chrétiens : « on ne peut pas faire la guerre au nom de Dieu », a-t-il rappelé dimanche.

Le pape réaffirme que les violences dans le nord de l’Irak « ne peuvent pas ne pas réveiller les consciences de tous les hommes et femmes de bonne volonté à mettre en œuvre des actions concrètes de solidarité pour protéger ceux qui sont touchés ou menacés. Les expériences tragiques du XXème siècle, et la compréhension la plus élémentaire de la dignité humaine, contraint la communauté internationale à faire tout ce qui est en son pouvoir pour arrêter et prévenir d’ultérieures violences contre les minorités ethniques et religieuses ».

Le pape, pathétique, écrit aussi que c’est de « cœur lourd et plein d’angoisse », qu’il « a déposé devant le secrétaire général les larmes, les souffrances et les cris de désespoir des chrétiens et des autres minorités religieuses de la terre bien-aimée d’Irak », rappelant que celles-ci ont été « contraintes à fuir leur maisons et à assister à la destruction de leurs lieux de culte et de leur patrimoine religieux ».

Forte interpellation du pape, mais vigoureuse prise de position des autres canaux du Vatican et des évêques catholiques dans le monde entier aussi. En France, en Suisse, au Canada, aux Etats-Unis et jusqu’en Amérique latine, des prélats s’indignent du sort des femmes et enfants irakiens contraints à l’abandon de leurs maisons. Dans une déclaration au ton inhabituellement direct, le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a fermement invité mardi les musulmans du monde à réagir.

Ce ministère du Vatican chargé des rapports avec les religions non-chrétiennes conteste le califat restauré au nord de l’Irak par les fondamentalistes musulmans et les violences inouïes qui le caractérisent. « La situation dramatique des chrétiens, des yézidis et d’autres communautés religieuses et ethniques numériquement minoritaires en Irak exige une prise de position claire et courageuse de la part des responsables religieux, surtout musulmans, des personnes engagées dans le dialogue interreligieux et de toutes les personnes de bonne volonté. »

 

Poursuivant son adresse ferme à l’endroit des leaders musulmans, le conseil pontifical souligne que « tous doivent être unanimes dans la condamnation sans aucune ambiguïté de ces crimes et dénoncer l’invocation de la religion pour les justifier. Autrement quelle crédibilité auront les religions, leurs adeptes et leurs chefs ? Quelle crédibilité pourrait avoir encore le dialogue interreligieux patiemment poursuivi ces dernières années ? ». À rappeler que c’est le cardinal Jean-Louis Tauran, un Français depuis longtemps rompu aux négociations laborieux avec les musulmans,  qui préside ce conseil vatican de dialogue.

Lucien Mpama