Cinéma : l’Afrique a enfin son superhéros sur grand écran

Vendredi 16 Février 2018 - 18:30

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Le premier superhéros noir reprend du pouvoir dans la pop culture américaine. Vingt ans après le grand succès de Blade, de Stephen Norrington, « Black Panther » prend la tête d’affiche au septième art.

Le jeune réalisateur Ryan Coogler parvient à mêler fantaisie et réflexion politique dans la reprise de l’histoire du roi africain imaginée par Marvel, en 1967 (quelques semaines avant la fondation du mouvement des Black Panthers).

L’excitation autour de la sortie, le 14 février, de Black Panther, est palpable. La Panthère noire a joué un rôle crucial dans l’évolution de la stratégie éditoriale de Marvel qu’elle représente, mais aussi parce que Black Panther est le premier personnage non seulement noir, mais africain, à apparaître dans le Panthéon des superhéros populaires.

Un succès immédiat

T’Challa, de son vrai nom, est le roi du Wakanda, un royaume fictionnel et caché d’Afrique équatoriale. Ce pays qui n’a pas souffert de la colonisation est parmi les plus prospères et avancés scientifiquement du monde grâce à une ressource naturelle : le vibranium. À la fois stratège politique, scientifique brillant et combattant redoutable, Black Panther se hisse parmi les héros les plus forts de la galerie Marvel. Il est capable de battre Captain America et rejoint les équipes de superhéros les plus prestigieuses, des X-Men aux Avengers. Au fil de ses aventures, il devra retrouver l’assassin de son père, protéger son pays des invasions extérieures qui convoitent le vibranium, mais aussi faire face à des rébellions nationales.

Depuis des temps immémoriaux, le roi du Wakanda reçoit, en même temps qu’il monte sur le trône, des pouvoirs surhumains qui font de lui, quand le besoin s’en fait sentir, un guerrier quasiment invincible, Black Panther. T’Challa (Chadwick Boseman, qui fut récemment à l’écran un autre super-héros, James Brown) vient de succéder à son père assassiné par un terroriste international, épisode relaté dans Captain America : Civil War.

En dessin, la Panthère prend vie en juillet 1966, en plein cœur de la lutte pour les droits civiques. Ses créateurs, les poids lourds du comics Stan Lee et Jack Kirby, le font apparaître dans la série ultra-populaire des Quatre fantastiques. Son succès est immédiat : il aura donc droit quelques années plus tard à sa propre série.

Le premier numéro des aventures de Black Panther par Ta-Nehisi Coates, romancière de science-fiction, s’est écoulé à 330 000 exemplaires, un chiffre exceptionnel sur le marché du comics. Le film semble prendre la voie du même succès, si l’on en croit les estimations des préventes aux États-Unis.

Rhinocéros de combat

Il ne faut pas chercher l’Afrique subsaharienne dans cette représentation qui fait communiquer les plateaux d’Afrique australe et la jungle équatoriale, qui invente des montagnes aux sommets blanchis à un continent qui voit fondre les neiges du seul Kilimandjaro. Le Wakanda est l’éden auquel ont été arrachés les esclaves déportés vers l’Amérique et un reflet ironique des États-Unis d’aujourd’hui. L’affrontement entre T’Challa l’internationaliste et W’Kabi (Daniel Kaluuya) l’isolationniste ressemble plus à un débat au Congrès des États-Unis qu’à une discussion au sein de l’Union africaine.

La réussite de Ryan Coogler est de développer ces interrogations sans sacrifier le rythme de son film (ce que George Lucas n’était pas parvenu à faire dans La Menace fantôme). Les différends se règlent dans des affrontements au corps-à-corps. Au lieu de la cavalerie, ce sont des rhinocéros de combat qui surgissent pour faire la différence. Sans tourner à l’ironie, cette fantaisie soulève Black Panther, qui remporte dès sa première apparition le titre mondial des super-héros, catégorie lourd-léger.

« Black Panther permet de se forger une estime »

L’impact de ce personnage est depuis considérable. « Black Panther montre qu’un Noir peut être un superhéros, sauver des vies, évoluer dans un monde imaginaire, mais aussi peut être acteur du changement. L’univers de ce héros permet à des gens qui sont sous-représentés dans la culture de s’identifier, de se forger une estime », détaille Anna Tjé, cofondatrice de la revue en ligne littéraire et artistique "Atayé" et, par ailleurs, membre de l’association Diveka, qui œuvre pour plus de diversité et représentations positives dans le monde de la jeunesse.

Dans les années 1990, après une période d’expansion démesurée, le marché du comics s’effondre. Pour redresser la barre, Marvel confie Black Panther à Christopher Priest en 1998. Bien que le nom de cet enfant de Queens soit souvent relégué, son apport à la série Black Panther est conséquent et influence, en partie, la réalisation du film. Le scénariste apporte de la profondeur à T’Challa, le pare des habits et tourments du roi, lui donne une importance qui va au-delà du simple vengeur costumé. C’est également lui qui introduit les Dora Milaje, la garde rapprochée du souverain composée de guerrières et stratèges, des héroïnes de premier plan dans la série.

Bénédicte Alouna

Légendes et crédits photo : 

Photo1: Black Panther (DR) Photo2: Les Dora Milaje, des guerrières de premier plan qui protègent le roi du Wakanda (DR) Photo 3: Chadwick Boseman joue le rôle de Black Panther (DR)

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