Dialogue national : le temps des interrogations

Samedi 5 Décembre 2015 - 16:00

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Le défi actuel consiste à amener autour de la table des négociations toutes les sensibilités de l’opposition ainsi que tous les « poids lourds » de la société civile, à commencer par l’Église Catholique.

Alors que les choses devraient en principe s’accélérer après le discours-annonce du chef de l’État suivi par la signature de l'ordonnance présidentielle convoquant le dialogue national, force est de constater que le processus tangue. A la suite du discours de Joseph Kabila, l’opposition s’est radicalisée dans son obstination de ne pas participer à ces assises. La volte-face de l'UDPS sur qui la majorité mise pour donner une caution de crédibilité à ce forum national a fait très mal au point de se demander à quoi va représenter finalement ce dialogue en l’absence de ce grand parti de l'opposition et de ses alliés ? Sans ce contrepoids majeur, il est clair que ce forum se muera facilement à une chambre d'enregistrement de la majorité présidentielle qui n’aurait pas de peine à imposer son schéma d’une nouvelle transition politique censée permettre à son autorité morale de continuer à présider aux destinées du pays au-delà de 2016.

Présentement, tout porte à croire que le chef de l’État et sa majorité jouent leur partition en solo face à une opposition tendant à se consolider. Aussi l’arrivée à Kinshasa depuis le 2 décembre de Saïd Djinnit désigné par le secrétaire général de l’ONU comme médiateur dans la crise congolaise se présente-t-elle comme une bouffée d’oxygène dans la quête difficile de concilier les points de vue tout en cherchant à convaincre les indécis à adhérer à l‘initiative. Plus que jamais, la réussite du dialogue tient à son caractère inclusif en mettant autour d’une table toutes les sensibilités de l’opposition et les « poids lourds » de la société civile, à commencer par l’Église catholique. Tout un pari pour le médiateur de l’ONU dont les consultations amorcées avec les acteurs politiques de l‘opposition paraissent se buter aux positions figées du refus du dialogue.

Le représentant spécial de Ban-Ki moon dans les Grands lacs est astreint, au terme de sa mission, de définir les contours du dialogue devant des interlocuteurs qui refusent d’y adhérer dans la forme décrite par Joseph Kabila. L’unique « dialogue » qui vaille pour la Dynamique de l’opposition et le G7, par exemple, devrait s’articuler exclusivement autour des questions électorales et n’avoir pour « parties prenantes » que la majorité présidentielle, l’opposition et la Céni.

Faisant monter les enchères sur sa participation, l’UDPS pose par ailleurs des conditions qu’elle sait être aux antipodes de la vision présidentielle du dialogue. En attendant que Ban-Ki moon ne nomme  un « Facilitateur international » censé jouir de la plénitude de ses pouvoirs et de qui l’UDPS attend l’acte de convocation du dialogue en lieu et place du président Kabila, ce parti d’opposition a ses propositions d’ordre du jour. Le parti d’Étienne Tshisekedi souhaite, entre autres, que le contentieux électoral de 2011 soit remis sur le tapis autant que l’audit du fichier électoral, la recomposition de la Céni, la libération des prisonniers politiques et d’opinions, la réouverture des médias privés fermés, etc. Des matières qui ne cadrent pas avec les orientations du dialogue égrenées par Joseph Kabila dans son discours. Tenant mordicus à voir l’UDPS participer au dialogue, le président de la République serait donc dans l‘obligation de lâcher quelques concessions à l’UDPS et vice-versa, question de faire avancer le dialogue. Si tel est le prix à payer, autant le faire en ce moment où le pays traverse une impasse politique grave aux conséquences imprévisibles.    

A tout prendre, le dialogue national se trouve sur une pente raide avec la crainte que si jamais il se tenait dans les conditions actuelles, qu’il subisse le sort des fameuses Concertations nationales qui se sont avérées, à la fin, une perte de temps et d'énergies. Tant que les uns et les autres ne mettront pas un peu d’eau dans leur vin pour faciliter un entendement commun sur les réelles motivations du dialogue, il va de soi que rien de bon n’en sortira eu égard aux agendas cachés des uns et des autres.    

Alain Diasso

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