Distinction : un doctorat honorifique pour Jean-Jacques Muyembe en sciences de l'université Harvard

Samedi 28 Mai 2022 - 13:13

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Le Dr Jean-Jacques Muyembe, microbiologiste congolais qui dirige les interventions d'urgence en matière de santé publique en République démocratique du Congo (RDC), notamment pour la covid-19, est l'un des sept lauréats du diplôme honorifique de l'université de Harvard pour 2022.

 

Lors de la 371e cérémonie de remise des diplômes, le 26 mai, Harvard a célébré une petite cohorte de dirigeants accomplis, en décernant en personne des diplômes honorifiques à quatre femmes et deux hommes : un premier ministre, trois éminents universitaires, un expert en maladies infectieuses du secteur public et une icône féministe

Le Dr Muyembe-Tamfum, qui a reçu un doctorat honorifique en sciences, dirige l'Institut national de la recherche biomédicale de la RDC à Kinshasa et est le premier président de l'Académie congolaise des sciences. Il a été le premier à découvrir le virus Ebola lors de son travail sur la toute première épidémie en 1976, dans le centre du Congo. Il a prélevé des échantillons de sang sur un patient malade et les a envoyés pour être identifiés en Belgique, où des collègues disposaient d'un microscope électronique. Les scientifiques de ce pays et des États-Unis ont pu vérifier l'existence d'un nouveau virus qui provoquait une fièvre hémorragique.

Le Dr Muyembe a également dirigé la conception du premier traitement efficace contre le virus et a été le premier à déployer des vaccins expérimentaux contre Ebola. En 2009, il a coécrit un article démontrant que les épidémies d'Ebola en RDC étaient dues à l'exposition aux chauves-souris frugivores.

Un article paru dans "Lancet" en 2015 décrit Muyembe comme "le chasseur d'Ebola de l'Afrique". "Il a été l'un des premiers survivants de la maladie mortelle et son découvreur, bien que pendant quatre décennies, ses travaux aient été improprement attribués à un quatuor de scientifiques belges. Dans le numéro de "Time" consacré aux cent personnes les plus influentes de 2020, Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix, a déclaré que Jean-Jacques Muyembe Tamfum "a grandement profité au peuple congolais ainsi qu'au monde entier. Son expertise, combinée à celle d'autres scientifiques internationaux, continuera d'être d'une grande aide pour surmonter les nouveaux fléaux auxquels nous sommes confrontés", peut-on lire.

Premier virologue à traiter un patient atteint d'Ebola

En 1976, rappelle Harvard, le Dr Muyembe est devenu le premier virologue à traiter un patient atteint d'Ebola, et il a été au premier plan de toutes les épidémies de la maladie depuis lors. En 1995, il a traité huit patients atteints d'Ebola avec le sang d'un survivant, et sept ont survécu. Les chercheurs occidentaux, indique Harvard, ont rejeté sa découverte en raison de la petite taille de l'échantillon, mais Muyembe a utilisé cette observation pour développer un anticorps monocolonal contre Ebola qui a été approuvé par l'USDA en 2020. "Si cette observation avait été acceptée à cette époque [1995], ce produit aurait sauvé de très nombreuses vies. Mais il a fallu plus ou moins vingt ans pour reconnaître ces premières observations parce que cela a été fait par l'équipe congolaise", a déclaré le Dr Muyembe à l'Université de Washington. Aujourd'hui, il est un leader mondialement reconnu dans la lutte contre Ebola, le directeur général de l'Institut national de recherche biomédicale de la RDC et le premier président de l'Académie congolaise des sciences. Ses recherches sur les traitements par anticorps monoclonaux ont contribué à faire progresser les thérapies pour traiter la covid-19 ainsi que l'Ebola. En tant que figure de proue des efforts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour combattre les maladies infectieuses, il a reçu des distinctions, notamment des prix pour l'ensemble de sa carrière décernés par l'Union africaine et les centres africains de contrôle et de prévention des maladies, le Symposium international sur les filovirus et le prix Hideyo Noguchi pour l'Afrique.

Par ailleurs, indique Harvrd, le Dr Muyembe a travaillé dur pour renforcer les capacités scientifiques de la RDC, en créant de nombreuses installations de recherche dans le pays. Il a également joué un rôle clé dans la lutte contre les maladies infectieuses au sein de l'OMS et a reçu un certain nombre de prix et d'honneurs prestigieux, dont celui de figurer sur la liste des cent personnes les plus influentes de 2020 du magazine Time.

L'engagement de toute une vie

Né en 1942 en RDC et formé à l'université de Lovanium (aujourd'hui Université de Kinshasa), docteur en médecine en 1969, et à l'Institut Rega pour la recherche médicale de l'université catholique de Louvain, en Belgique, docteur en 1973 (médecine/virologie), le Dr Muyembe a été tardivement reconnu pour sa contribution à la découverte du virus Ebola, à partir de travaux sur le terrain en 1976, et pour avoir mis au point des thérapies pour le traiter.

De 1999 à 2000, sous l'égide de l'OMS, il a été président d'un comité international dirigeant la lutte contre le virus de Marburg en RDC, et de 2001 à 2014 d'un comité similaire sous l'OMS, dirigeant les efforts contre les épidémies d'Ebola au Gabon et en RDC.

En 2019, lors d'une nouvelle épidémie de la maladie mortelle, "Nature" l'a reconnu comme l'une des dix personnes qui ont le plus compté dans la science cette année-là, notant qu'il apporte une profonde expérience à l'effort, ainsi qu'un dévouement à la science de pointe. Dès 1995, il a mis au point les principales mesures de santé publique encore utilisées pour contenir le virus. Lors d'une grande épidémie dans la ville de Kikwit, en RDC, il s'est rendu compte que l'étape la plus importante était de dialoguer avec les communautés pour qu'elles lui fassent confiance et comprennent comment se protéger. Il a trouvé des moyens d'enterrer les morts avec respect tout en minimisant le risque d'infection. Et il a entamé des recherches qui allaient aboutir à la mise au point de médicaments et de vaccins efficaces contre le virus Ebola. Au cours de cette épidémie, il a prélevé du sang de survivants d'Ebola et l'a perfusé à huit personnes infectées, dans l'espoir que des anticorps étouffent le virus. Sept des receveurs ont survécu.

Le mois dernier, un essai clinique contrôlé sur 680 personnes, mené par son équipe, a montré un taux de survie de 90 % pour les personnes traitées par des médicaments à base d'anticorps peu après l'infection. L'un de ces médicaments, le mAb114, est dérivé d'un anticorps provenant du sang d'un survivant que le Dr Muyembe a recruté pendant l'épidémie de Kikwit. Nancy Sullivan, immunologiste aux Instituts nationaux de la santé des États-Unis à Bethesda, dans le Maryland, attribue ce succès à l'opiniâtreté du Dr. Muyembe à l'époque. "Sa contribution a été déterminante pour montrer qu'il était possible de réaliser un essai dans une épidémie chaotique", dit-elle.

À propos de son dévouement à la lutte contre la maladie, "Nature" poursuit : "Muyembe n'a jamais eu l'intention de baisser les bras. David Heymann, épidémiologiste à l'école d'hygiène et de médecine tropicale de Londres, déclare : "Il était là au début et il est toujours là parce qu'il est si persévérant".

La même année, il a été co-lauréat du prix Hideyo Noguchi Africa du Japon pour la recherche médicale. L'annonce du prix mentionnait "ses recherches pour lutter contre Ebola et d'autres virus mortels et ses efforts pour former des légions de combattants contre la maladie". En tant que directeur de l'INRB, dans un pays dépourvu de presque toutes les infrastructures médicales modernes, indique Harvard, il a mis en place une infrastructure de recherche et de surveillance des maladies évitables par la vaccination, telles que la poliomyélite, la rougeole et la fièvre jaune, des zoonoses, telles que la variole du singe et la fièvre hémorragique virale, ainsi que des infections respiratoires aiguës, telles que la grippe, et de la résistance de la tuberculose et des entérobactéries aux antibiotiques.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

1- Le Dr Muyembe parmi les lauréats et les responsables de l'université Harvard 2- Le Dr Muyembe

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