… Et puis vint, un certain François !

Mardi 11 Février 2014 - 14:54

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À la décision inédite de démission volontaire d’un pape, il y a un an, fit suite l’arrivée au Vatican de François, la bourrasque argentine qui sait cajoler

On ne peut pas dire qu’il y ait eu beaucoup de vizirs à avoir prévu coup sur coup, il y a un an, la démission volontaire du pape Benoît XVI et l’élection de l’Argentin Giorgio Bergoglio comme son successeur. L’un prit toute l’Église catholique de court, le 11 février d’il y a un an, et l’autre surprit le monde un mois plus tard par un discours dépouillé, simple, au ras du peuple et se terminant par des « bon appétit » inusités. Tout chez le Souverain pontife actuel devint alors objet de surprise : Argentin mais né de parents italiens ; jésuite et ancien archevêque de Buenos Aires ; grand de taille mais aimant à se faire tout petit au point de résider ailleurs que dans les appartements pontificaux…

L’arrivée du pape François a fini par introduire la bourrasque que beaucoup espéraient et redoutaient tout à la fois pour dépoussiérer l’Église catholique du sommet. Trop de scandales l’avaient secouée du Vatican : assassinat et suicide de gardes suisses, trahison de majordomes livrant des informations réservées, nombreux cas de pédophilie de la part de prêtres dans des pays éminemment catholiques, détournement de fonds de la part de hauts-prélats… Le pontificat de Benoît XVI a hérité de dossiers lourds, laissés irrésolus par son prédécesseur Jean-Paul II ; celui de François ne pouvait qu’engager la lessive à grande eau.

Le pape argentin a commencé par verrouiller son entourage, se séparant en douceur mais avec fermeté des caciques de la Curie romaine assez décriés, « dégraissant le mammouth » (pour paraphraser un homme d’État français devant la pléthore administrative) ; règles plus dépouillées dans les solennités. On l’a vu portant lui-même sa sacoche et expliquer aux journalistes que celle-ci contenait son nécessaire : un rasoir, une brosse à dent et son dentifrice ; le bréviaire et un livre de lecture commune (poésie, roman ou texte de réflexion, pas forcément de caractère religieux). Un pape ordinaire, en somme, placé à la tête d’une Église pas toujours aussi ordinaire que cela.

Le pape Jean-Paul II donna de la visibilité à cette Église en allant la présenter aux quatre coins du monde ; le pape François en corrige l’image surannée désormais. Mais entre les deux, soulignent les historiens, la frêle image de Benoît XVI qui eut le courage de poser l’acte bouleversant de la démission, a permis la mutation désormais en chantier. « Depuis la démission de Benoît XVI, on est passé au Vatican en un an de la stupeur et d'un brin de réprobation, à l'approbation sur fond de gravité », constat d’un fin-connaisseur des intrigues du plus petit État du monde, le cardinal français Paul Poupard, longtemps ministre de la Culture du Vatican.

Avec le pape François, l’Église catholique est de retour. Sans parfois avoir l’air d’y penser, le pape argentin bouscule les habitudes et les opinions longtemps ancrées. Sur la femme, il invite à « réfléchir à une théologie sur la femme » ; il éreinte « les mondanités » et les « évêques mondains ». Il replace la famille au centre de la pastorale et n’hésite pas à aborder les problèmes de société sur lesquels l’Église catholique est traditionnellement frileuse et réservée : les divorcés-remariés ; les enfants nés de parents non-baptisés ; les homosexuels dans l’Église, etc.

Sa volonté est « de porter l’Évangile dans les périphéries » : périphéries de la vie, périphéries du monde. Son langage, son style plaisent. Une étude réalisée dans 12 pays par la grande chaîne hispanophone Univision montre que 87% des catholiques ont une bonne image du pape. À Rome, un institut a récemment signalé qu’un Italien sur deux est revenu à la messe du fait du style du nouveau Souverain pontife. Dans le monde entier, le pape François touche les couches qui commençaient à s’éloigner des allées de l’Église ou à lui être hostiles.

Et cela, pas forcément pour une adhésion de fond aux positions traditionnelles. D’ailleurs, une des caractéristiques qui émergent de divers sondages est que les chrétiens sont de plus en plus imperméables aux positions de toujours de l’Église catholique, qu’ils invitent à faire bouger les lignes sur des sujets « sensibles » comme le célibat des prêtres, l’ordination des femmes, l’avortement… Il n’y a pas là une contradiction, affirment les spécialistes : tous sentent désormais que le nouveau pape reste ouvert au dialogue. Et que les thèmes qui fâchent peuvent faire l’objet de discussions sans excommunication automatique.

Le pape y arrive en consultant beaucoup. Il a constitué une commission de 8 cardinaux qui partagent avec lui le souci d’identifier les thèmes, les priorités et la cadence d’une réforme de l’Église par le sommet. Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa (RdC) en fait partie. Il y est aussi surtout le signe d’une ouverture de l’Église à une frange non-négligeable de chrétiens, majoritairement situés au sud du monde désormais. Avec la désignation de 19 nouveaux cardinaux, le 12 janvier dernier, le pape François a donné le sentiment de rééquilibrer aussi l’Église de l’intérieur.

Lucien Mpama