G5 Sahel : la révision de la stratégie de l'UE

Jeudi 4 Mars 2021 - 11:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Elaborée en 2011, la révision de la stratégie de l'UE pour le Sahel se déroule dans un contexte plutôt sombre: accumulations des urgences, 2020 aura été l'année la plus meurtière dans la région depuis 2012, multiplications d'abus contre les civils, commis non seulement pas des groupes extrémistes et des milices, mais aussi par des forces de sécurité étatiques dans le cadre des opérations antiterroristes.

Jusqu'ici, l'Union européenne (UE) a consacré plusieurs milliards d'euros au développement et à l'aide militaire dans la région. Les objectifs étant de contenir les mouvements migratoires et de lutter contre le terrorisme et l'instabilité politique. Les résultats des politiques européennes dans le Sahel, qui suscitaient déjà des interrogations, ont été questionnés à la suite du coup d'Etat au Mali.

Les échecs stratégiques et opérationnels de l'UE

L'explication la plus avancée des échecs stratégiques et opérationnels de l'UE dans la région résiderait dans sa conception de la gouvernance. Si la mauvaise gouvernance est une cause fondamentale d'instabilité institutionnelle, les éfforts à y remédier ont été déployés séparément de ceux mis en œuvre dans les domaines de la sécurité et du développement. La gouvernance étant une question transversale à intégrer dans toutes interventions de l'UE-qui doit tirer des leçons de ses précédents échecs, en exigeant de meileures garanties de ses partenaires et en élaborant un programme plus politique.

Plus de politique

L’UE a soutenu une augmentation de l’aide extérieure à la région, mais l’absence de contrôle efficace sur la gestion de cette aide a eu des conséquences graves. En outre, les objectifs de politique étrangère de l’UE se sont de plus en plus restreints aux programmes de développement, eux-mêmes limités à un endiguement des mouvements migratoires. Une approche qui aura des conséquences sur la gouvernance. Concernant l'assistance au secteur de la sécurité, la stratégie de l'UE a reposé sur le redéploiement d'acteurs étatiques. Or ce déploiement a eu des répercussions indésirables, les armées nationales étant régulièrement accusées d'exécutions extrajudiciaires et d'exactions à l'encontre des civils.

L'action de l'EUTM Mali

L’action de la Mission de formation de l’UE au Mali (EUTM Mali) illustre la priorité accordée par l’UE à l’assistance technique et au renforcement des capacités des pays récipiendaires. Des progrès mineurs ont été réalisés, mais vite contrebalancés par l’absence d’amélioration en matière de gouvernance, notamment au niveau des ressources humaines et la lutte contre la corruption. L’envolée des budgets de la défense et de la sécurité s’est accompagnée de scandales de détournement de fonds dans les ministères sahéliens. Ce qui a affecté négativement les performances et le moral des forces de défense et de sécurité nationales et provoqué le mécontentement des populations.

Une approche conditionnelle

L’idée consiste à rendre l’aide fournie par l’UE « transactionnelle », c’est-à-dire conditionnelle - selon le principe « un donné pour un rendu ». Si elle est mise en œuvre, alors les avancées, ou les impasses des politiques menées entraîneront une augmentation ou une diminution de leur financement. Cette approche transactionnelle devrait être mise en place pour répondre aux préoccupations des Saheliens et adresser les véritables enjeux de gouvernance au cœur de l’instabilité actuelle, à savoir la lutte pour l’Etat de droit et contre la corruption. Mais les revendications européennes ne doivent pas être perçues comme des impositions. Pour que cette approche soit couronnée de succès, il faudra mener à bien une évaluation précise des résultats des efforts accomplis jusqu’ici.

Le nouveau mandat de l'EUTM représente un premier pas dans la bonne direction. Car il autorise ses membres à accompagner les stagiaires militaires sahéliens sur le champ de bataille, permettant ainsi de mieux superviser leur comportement et leurs performances sur le terrain. L’obligation de rendre des comptes doit également être invoquée au sujet des accusations d’exactions dont font l’objet les forces armées maliennes.Une approche transactionnelle qui ne serait que partielle ne permettrait pas d’atteindre les buts fixés. Et pour être efficace, cette approche doit englober la totalité de l’engagement de l’UE, sous peine d’en compromettre la crédibilité et l’efficacité.

Noël Ndong

Notification: 

Non