Ghana – États-Unis : un accord migratoire sous pression diplomatique et économique

Jeudi 11 Septembre 2025 - 17:45

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Accra accepte l’accueil de migrants ouest-africains expulsés des États-Unis, au risque d’attiser les tensions régionales et de fragiliser ses équilibres socio-économiques.

Le Ghana a accepté, sur demande de Washington, d’accueillir des ressortissants d’Afrique de l’Ouest expulsés des États-Unis, ouvrant ainsi un précédent diplomatique sensible. Si la libre circulation au sein de la Cédéao justifie techniquement cette décision, elle révèle surtout un déséquilibre croissant dans les relations entre Accra et Washington, sur fond de pressions commerciales et migratoires. L’administration américaine, fidèle à sa doctrine de fermeté migratoire, externalise de plus en plus ses expulsions vers des pays tiers. Après le Panama, le Salvador ou le Soudan du Sud, c’est désormais l’Afrique de l’Ouest qui est concernée, avec 41 886 personnes visées sur le continent.

Le Ghana devient le point d’entrée de cette politique, au moment même où les États-Unis augmentent les droits de douane sur les produits ghanéens et limitent l’accès aux visas pour ses citoyens. En acceptant ce deal, Accra tente sans doute d’éviter une détérioration plus sévère de ses relations bilatérales, déjà décrites comme « tendues » par le président Mahama. Sur le plan géopolitique, l’accord isole diplomatiquement le Ghana dans l’espace ouest-africain. Le Nigeria, puissance régionale, a explicitement refusé de jouer le jeu de Washington, dénonçant une pression excessive sur les États africains. À cela s’ajoutent des tensions communautaires internes : des manifestations anti-nigérianes ont éclaté à Accra, alimentées par des perceptions de concurrence économique et de criminalité. L’arrivée de migrants d'autres nationalités pourrait amplifier ces crispations.

Sur le plan géoéconomique, cet alignement partiel sur la stratégie américaine pourrait se traduire par une perte d’autonomie stratégique. Le Ghana évoque déjà la nécessité de réorienter ses exportations vers la Chine, signe d’un réalignement commercial en réponse à la pression américaine. Si l’accord peut apparaître comme une concession diplomatique tactique, il expose le Ghana à des risques internes et régionaux. L’enjeu, pour Accra, sera de gérer ces flux migratoires dans un contexte d’hostilité latente, tout en négociant habilement une diversification de ses partenariats stratégiques.

Noël Ndong

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