Insertion professionnelle : des jeunes congolais face à un marché de l’emploi saturé

Vendredi 20 Juin 2025 - 12:27

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Confrontés au manque d’opportunités professionnelles, de nombreux jeunes congolais se tournent vers l’auto-emploi pour survivre et réinventer leur avenir. À Brazzaville comme à Pointe-Noire, ils quittent l’université avec un diplôme en poche, mais sans aucune perspective d’emploi stable. Le phénomène, bien connu, suscite inquiétudes auprès de ces derniers.

« J’ai postulé dans des banques, des sociétés, même pour le concours de la fonction publique. On ne m’a jamais rappelé. Alors, j’ai dû trouver une autre manière de vivre », explique Nesmy, casque à la main. À 28 ans, il est titulaire d’un master en économie obtenu à l’Université Marien-Ngouabi. Depuis deux ans, il travaille comme livreur à moto pour une boulangerie de la place. Ce cas n’est pas isolé. Sachant que plusieurs jeunes diplômés ne trouvent pas d’emploi dans les trois premières années après la fin de leurs études, cette situation empire chaque année qui passe.

Par ailleurs, le problème ne réside pas uniquement dans le manque d’emploi, mais aussi dans le décalage entre les formations universitaires proposées et les besoins réels du marché du travail. Prestance Louba, finaliste en ressources humaines, pense que « trop de jeunes sortent d’études sans expérience, sans compétence pratique et sans compréhension du fonctionnement d’une entreprise ». Une position que semble soutenir un responsable des ressources humaines d'une société de la place qui a requis l'anonymat en disant que dans ce cas, l'on ne peut pas les intégrer sans un accompagnement coûteux.

Face à l’impasse, certains jeunes choisissent de créer leur propre emploi. L'on assiste à un déploiement sans précédent des cabines téléphoneques ou points de vente des produits des réseaux de téléphonie mobile, initiés et gérés par des jeunes sans emploi. Le cas du jeune Promesse qui, par manque d'emploi, a mis en place un point de vente. « On ne peut pas rester à la maison sans rien faire, même avec les moyens de bord, on peut essayer de créer sa propre boîte », a-t-il dit.

Ce phénomène d’auto-emploi, qui passe souvent par le numérique ou le commerce informel, s’étend dans les quartiers populaires. Les jeunes y développent une culture entrepreneuriale improvisée, où débrouillardise et apprentissage autonome remplacent les stages et les réseaux professionnels souvent réservés à une élite.

Les inégalités territoriales accentuent le déséquilibre. A l'intérieur du pays, beaucoup de jeunes diplômés sont coincés par manque de structures capables de recruter. « Dans ma localité, il n’y a pas d’entreprises. Il faut soit venir ici à Brazzaville soit se contenter de ce qu’on a », dit Yasmine, diplômée sans emploi vivant à l'intérieur du pays, mais en séjour à Brazzaville. Dans les quartiers urbains, les jeunes innovent aussi en se regroupant. Cela dans divers domaines. Prise de conscience ou désespoir, nul ne sait, mais cela reste une initiative à saluer.

Les analyses montrent que cette dynamique, bien que salutaire, ne suffit pas à répondre au défi national de l’emploi des jeunes. La sociologue Ursul explique que « l’auto-emploi est souvent une solution de survie, pas un projet structurant. L’État doit jouer un rôle central dans la mise en place de politiques ciblées, avec des fonds d’amorçage, des formations pratiques, et une vraie cartographie des besoins économiques du pays ».

Le gouvernement a lancé plusieurs initiatives ces dernières années, mais elles n'ont pas encore apporté de solutions concrètes sur lesquelles comptent plusieurs des jeunes diplômés. « Le travail du gouvernement donnera bientôt ces fruits, nous croyons et nous espérons vraiment sur les initiatives qu'il a lancées pour faire face au problème du chômage », affirme un étudiant, vendeur ambulant au marché total.

De plus la fonction publique, longtemps perçue comme le principal employeur des diplômés, ne peut sans doute pas, en une ou deux années, absorber l'ensemble des jeunes au chômage. Cela s'explique par des contraintes budgétaires, mais aussi par le fait que l’université forme de nouveaux diplômés chaque année. Notons que face à cette situation, la jeunesse congolaise s’adapte comme elle peut. Elle invente ses propres chemins, mais souvent loin des premières aspirations.

 

Larsain Polmer

Légendes et crédits photo : 

Un jeune étudiant servant un client à sa cabine téléphonique / Adiac

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