Interview : Baudouin Mouanda « J’encourage les femmes congolaises à devenir photographes professionnelles »

Jeudi 15 Avril 2021 - 20:01

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Prélude aux rencontres internationales de la photographie d’auteur de Brazzaville « Kokutan’Art », Baudoin Mouanda anime un atelier de formation du 12 au 19 avril, au profit de dix jeunes femmes. Avec une riche carrière de plus de vingt-cinq ans, l’artiste séduit le monde à travers ses créations poétiques. Dans cet entretien, il déplore la sous-représentativité des femmes congolaises dans l’industrie de la photographie.  

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : En tant qu’artiste photographe professionnel dont le travail n’est plus à présenter, que pouvez-vous nous dire sur la photographie d’auteur ?

Baudouin Mouanda (B.M.) : Un artiste auteur-photographe, c’est celui qui réalise des œuvres photographiques originales, imprégnées de créativité et de sa personnalité. Dans sa démarche artistique, ses photos doivent pousser à la réflexion ; permettre de retrouver le beau dans ce qui parait laid ; étonner et faire pétiller le regard. Ainsi, il peut vendre des cessions de droit d’auteur lors de la publication de son travail et exiger des frais de représentation lors d’expositions. 

L.D.B.C. : Parlez-nous de cette formation 100% féminine que vous animez dans le cadre du festival Kokutan’Art

B.M. : Après l’appel à candidatures lancé par le festival, dix dossiers avaient été sélectionnés, quoique la qualité et le niveau ne soient pas au rendez-vous. Mais, l’objectif prioritaire en faisant participer toutes ces femmes est de leur donner un bon niveau de la photographie afin qu’elles arrivent à lire et à parler la photographie. Concrètement, cet atelier permet aux participantes d’acquérir des notions basiques sur les techniques de prise de vue, la composition d’une image ainsi que du récit photographique. La formation en cours se déroule très bien et les participantes se montrent motivées et impliquées.

L.D.B.C. : Pourquoi avoir mis le cap uniquement sur les femmes ?

B.M. : Lors des festivals ou séances de formation en photographie auxquels je participe, je remarque que les hommes, surtout au Congo, sont majoritaires à postuler et participer. Ce qui est un peu frustrant. Ainsi, j’avais suggéré aux organisateurs du festival Kokutan’Art de mettre, cette fois-ci, les femmes en avant. En effet, avec leur grand sens de sensibilité et de créativité, elles sont susceptibles de générer des chefs d’œuvre. Je les encourage donc à s’y lancer.

L.D.B.C. : Quel est concrètement l’enjeu de cette formation ?

B.M. : En formant toutes ces jeunes femmes, j’attends d’elles qu’elles me surprennent demain, que nous soyons concurrents sur le marché de la photographie et qu’elles participent lors de grands festivals internationaux où nous voyons déjà les femmes des autres pays excellées, malheureusement pas celles du Congo.

L.D.B.C. : Quel est votre regard sur la photographie au Congo ?

B.M. : Contrairement, il y a dix ans, je vois les choses avancer et les quelques collectifs créés participent à cette impulsion. La photographie n’est pas un sot-métier, car pour preuve, aujourd’hui, je gagne ma vie en l'exerçant. Je n’ai rien à envier à un médecin, juriste ou cadre de banque. Je suis fier d’être artiste photographe. Et à ce jour, il faut miser sur la formation pour assurer la relève et permettre au secteur de se développer au Congo

L.D.B.C. : En parlant de la relève, est-ce que vous y pensez ?

B.M. : Bien évidement. Je suis content de voir mon travail être sollicité, mais je ne souhaite pas être le seul à faire la fierté du Congo. Je veux en voir d’autres car plus il y aura de photographes talentueux au Congo, plus la concurrence sera rude et plus le travail aura une valeur ajoutée. C’est pourquoi, je suis actuellement à pied d’œuvre de la construction d’un centre culturel dénommé « Class Pro_Culture » à Massissia, au sud de Brazzaville. Les travaux sont suffisamment avancés et l’inauguration pourra avoir lieu d’ici la fin de cette année. Ce projet abrite un théâtre, une galerie moderne, une salle de spectacles, une terrasse, des appartements de résidence. Le centre ne formera pas qu’en photographie, mais il donnera également accès aux autres disciplines telles le théâtre, le conte, le slam, la danse contemporaine et biens d’autres.

L.D.B.C. : Quels conseils pour être un bon photographe ?

B.M. : Pour être un bon photographe, il faut avant tout aimer et valoriser son travail. Aussi, il faut se documenter, lire régulièrement des romans, suivre l’actualité, voyager, développer le sens de la curiosité et de l’observation, participer à des festivals, postuler pour des résidences. Aussi, je recommande à mes confrères et consœurs de privilégier le travail sur thématique afin de ne pas revenir sur les mêmes schémas et explorer d’autres horizons

Rencontres internationales de la photographie d’auteur de Brazzaville, Kokutan’Art tiendra sa première édition du 20 au 24 avril à l’Institut français du Congo et aux ateliers Sahm. Organisé sous le thème « L’Afrique en face », l’événement réunira plusieurs artistes, en provenance du Congo, Mali, Sénégal, Togo, Cameroun, Gabon, de la République démocratique du Congo et de la France. Véritable moment de partage et de réflexion sur l’avenir de la photographie en Afrique-centrale, et plus particulièrement au Congo, le rendez-vous se déroulera en présentiel et en ligne autour d’une panoplie d’activités, à savoir : exposition-photo, projection cinématographique, table-ronde, carte blanche.

Propos recueillis par Merveille Jessica Atipo

Légendes et crédits photo : 

Le photographe congolais Baudouin Mouanda/DR

Notification: 

Non